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Servir autrement - témoignages croisés d'officiers saint-cyriens

Casoar

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28/10/2021

Chers lecteurs du Casoar,


De nombreux témoignages de saint-cyriens nous étaient parvenus , suite à l'appel lancé  pour le dossier "Servir Autrement". 

Tous n'avaient pû être publiés dans le Casoar, mais promesse avait été faite de les relayer.


Retrouvez dans cette page spéciale l'ensemble des articles reçus qui témoignent de la diversité des parcours des saint-cyriens.


Que l'ensemble des auteurs soient vivement remerciés d'avoir répondu présent à l'appel .










Dominique ACHILLE – Promotion « Général de Gaulle » - (1970-1972)

Capitaine de réserve à titre honoraire.


J'ai choisi la carrière militaire principalement pour échapper à une situation familiale pesante. Le séjour à Coëtquidan m'a ouvert les yeux sur certains aspects de la vie militaire, techniques et matériels, mais aussi humains.

Sorti avec un classement qui me permit d'emporter in extremis la dernière place disponible dans l'arme du Train – c’était mon choix – j'ai servi cinq ans, au sein de deux régiments. J'y ai croisé le pire et le meilleur, et j'en ai tiré une expérience humaine irremplaçable, tant auprès des appelés du contingent – brassage social complet – qu'avec mes camarades, mes subordonnés et mes supérieurs. 

Mais je n'étais vraiment pas fait pour ce métier. Les opinions dominantes dans l’armée correspondaient de moins en moins à ma vision du monde. Jeune capitaine, avant que mon premier temps de commandement ne confirme mon incapacité à me couler dans le moule, avant de finir au mieux commandant en second d'un centre mobilisateur, j'ai choisi de partir. Une année d'études par correspondance me permit d'être reçu à deux concours de catégorie A, sans aucune aide de ma hiérarchie, plutôt critique, à l'exception d'un vieux capitaine dont j'étais l'adjoint dans une compagnie de QG, ancien d'Algérie, issu du rang, et intelligent. J’ai dû contourner les voies officielles pour obtenir des informations fiables sur le plan statutaire. En d’autres termes, on me poussait à la démission, alors qu’un détachement s’avéra finalement possible, le temps que je sois titularisé dans mon poste civil.

J’ai voulu quitter l'uniforme la tête haute et j'ai préféré le risque du concours à une hypothétique nomination dans le civil au titre de la loi 70-2. On a sa fierté. 

J'ai conservé de mon passage dans l'armée le goût de l'effort physique et intellectuel ainsi que le sens du service public. Par conviction, j’ai choisi le ministère chargé de la santé et de l'intervention sociale, où j'ai occupé durant trente ans divers postes de cadre administratif. J’y ai trouvé, là aussi, le meilleur et le pire, les vicissitudes propres à la vie militaire en moins. 

A mon départ fin 1978, mon chef de corps craignait que je devienne instable, mais je suis resté au service de mon pays, quand tant d'autres sont partis dans les affaires. Certains me traitèrent de transfuge. Quelques années après, le ministère de la Défense créait un bureau des carrières courtes pour les saint-cyriens…

Retraité depuis dix ans, je ne regrette pas mes choix. J'exerce aujourd'hui le métier d'écrivain public et occasionnellement de musicien.





 

Marc ALLORANT promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970  

Interprète de réserve très actif pour l'EMAT (et d'autres organismes.)



Peu de temps avant de quitter le service actif à 52 ans, après trois ans comme officier de liaison Terre auprès des écoles d'infanterie allemandes, j'ai rencontré la responsable de la cellule « langues/traductions » de l'EMAT et lui ai demandé si je pouvais lui servir à quelque chose.

 

Une journée de tests linguistiques en anglais et allemand plus tard, j'ai rejoint le pool d'OIRAT de l'EMAT/BRRI et commencé mon job d'interprète après deux séquences de formation/ entraînement aux diverses formes d'interprétation et quelques travaux de traduction. J'ai essentiellement travaillé en allemand, mais ma double casquette allemand/anglais m'a permis de travailler aussi uniquement en anglais ou dans les deux langues quand cela s'avérait nécessaire. J'ai donc la plupart du temps largement dépassé les trente journées de mon contrat initial de base.

 

 A ce titre, j'ai suivi la plupart des réunions destinées à la mise au point et à la conduite des programmes TIGRE et EFAT de 2000 à 2008, et travaillé systématiquement sur le développement opérationnel du MLRS pendant la même période. Un colonel coordonnateur ALAT a même dit une fois, en plaisantant à moitié, que de tous les intervenants présents à une réunion sur le Tigre, j'étais celui qui connaissait le mieux l'ensemble du programme !

J'ai accompagné diverses délégations et autorités françaises et étrangères en France et à l'étranger, aux Etats-Unis, en Europe occidentale et rencontré des militaires de toute origine, avec leur vision du monde, leur perceptions différentes de ce que leurs armées et leurs pays pouvaient ou voulaient, et souvent une grande liberté de ton vis-à-vis de leurs autorités gouvernementales ou hiérarchiques.

Nous avons parlé de coopération logistique, de coopération opérationnelle, de formation, de maintenance « Tigre », de simulation, de coopération VF, de possibilités d'entraînement dans le sud de la France pour le corps des Marines, de formation RNBC, de formation artillerie pour des officiers saoudiens, qui refusaient de parler anglais comme cela était prévu, mais qui s'y sont résolus quand le seul interprète arabisant disponible s'est avéré être un caporal féminin...

Lors des pauses, les discussions avec les interprètes mis en place par les autres pays étaient aussi très intéressantes, car leurs statuts, leurs parcours, leurs formations et leurs cadres de vie étaient très variés. Le fait d'être un ancien militaire me permettait souvent d'être plus à l'aise pour comprendre ce qui sous-tendait les positions des uns et des autres et de mieux comprendre leurs concepts. Cela m'a permis à une ou deux reprises de rapprocher des positions qui semblaient inconciliables. Mais les interprètes professionnels étaient plus performants pour exprimer des nuances ou saisir des finesses dans les conversations plus diplomatiques.

J'ai enfin eu le plaisir de rencontrer des camarades de promotion qui tenaient des postes-clés à l'EMAT, ou des officiers français ou étrangers que j'avais déjà rencontrés au cours de mon service actif, dont le général Gudera, ancien CEMAT de l'armée de Terre allemande.

Cela m'a aussi permis, en complément de mes activités comme professeur de langues, référent TE et « expert infanteries alliées » au profit de l'EAI, d'élargir ma connaissance des évolutions de notre armée de Terre et de celles de nos partenaires les plus importants, et de voir peu à peu avancer un grand nombre d'officiers avec lesquels j'avais été en relation.

                        

La préparation des missions imposait un rafraîchissement régulier de mes compétences et un travail de révision intensif des terminologies les plus susceptibles d'être employées lors de chaque mission. Mais chacune offrait aussi l'occasion de découvrir une région ou des sites inconnus, Mac Donnell et Dallas aux Etats-Unis, Bracciano et l'école d'artillerie italienne, Bückeburg et l'EALAT allemande, Fassberg, centre commun de formation des mécaniciens « Tigre » et aérodrome-clé du pont aérien de Berlin, Celle en Basse Saxe, Brème et son vieux quartiers moyenâgeux, car il y avait toujours un temps de liberté et de découverte touristique (sauf à Dallas).

La limite d'âge m'ayant rattrapé en décembre 2008, j'ai dû me tourner avec quelques regrets vers une deuxième retraite et ai repris de nombreuses autres activités.






                   

  GDI (2s) Maurice Amarger « Souvenir de Napoléon » (68-70)


Après avoir terminé ma carrière comme commandant de l’Ecole d’état-major, j’ai eu la chance d’être contacté par un groupe spécialiste de la sécurité à l’international, qui m’a proposé une mission de deux mois en Nouvelle-Calédonie pour établir les plans de protection d’un site minier opéré par une entreprise canadienne qui avait des problèmes sérieux avec la population locale. Ces plans devaient être rédigés en français et en anglais. L’intérêt majeur était de m’intégrer à une équipe d’anciens militaires dont le chef était un de mes anciens commandants d’unité quand je commandais le 9e RCP. On oublie donc son grade et on travaille en équipe.

Cette mission fut suivie pendant les dix années suivantes par de nombreuses autres au Moyen-Orient et en Afrique, missions pour la plupart d’environ une semaine avec un court préavis téléphonique, l’envoi par Internet du cadre et des termes de la mission, puis la mise en route et l’exécution sur place du contrôle de la sûreté du (des) site(s) et du personnel expatrié. Missions extrêmement denses où il fallait rapidement analyser les vulnérabilités (souvent heureusement identiques) et proposer des correctifs. Une des missions de courte durée qui m’a le plus marqué fut en Arabie Saoudite sur la frontière avec le Yémen où je devais m’assurer des conditions de sécurité d’expatriés qui devaient venir installer des scanners pour camions et véhicules dans trois postes frontières. Après un vol Ryad-Najran, j’ai loué un véhicule avec un conducteur soudanais qui ne parlait qu’arabe mais qui était d’une intelligence et d’une vivacité d’esprit surprenantes. Au premier poste frontière, j’ai pu trouver un officier saoudien qui comprenait l’anglais et traduisait pour ses chefs en arabe. Il a ainsi de suite compris le sens de ma mission. Pendant les jours où nous avons sillonné la zone il a été un auxiliaire précieux autant pour l’hébergement que comme conducteur, guide et interprète.

J’ai eu aussi le bonheur de pouvoir faire de nombreuses missions en Algérie que j’avais quitté le cœur gros en 1961. J’ai en particulier fait deux missions sur les sites de deux barrages. Il fallait réorganiser la sécurité d’un site en Kabylie où œuvrait une entreprise française de travaux publics, après un attentat qui avait coûté la vie à un expatrié et des employés algériens. J’ai découvert, là, le magnifique métier de ces ingénieurs et techniciens français qui vivent une vie de moine (six semaines sans sortir de l’enceinte pour une semaine de repos en France) et qui ont cette passion de bâtir. Puis ce premier barrage enfin achevé, l’entreprise française a eu le contrat pour en construire un second toujours en Kabylie à une centaine de km du premier. Me voilà donc parti, incognito et en toute discrétion, avec un ingénieur algérien rencontré lors de ma précédente mission, en reconnaissance pendant plusieurs jours dans des zones traversées par des groupes djihadistes. Puis, au fil des mois et de l’avancement des travaux de sécurisation du site, un jour, sur l’insistance de la partie algérienne qui voulait installer un poste d’observation sur un mont dominant la zone, me voilà avec un groupe de miliciens communaux armés - dont le chef était un ancien maquisard - sur les pistes du djebel en reconnaissance du site ! J’ai eu, au cours de cette journée, des pensées émues pour nos anciens qui étaient peut-être passés par les mêmes pistes à la recherche du fellagha. Une autre fois, alors que je parcourais le site du futur barrage pour définir les limites des clôtures et miradors à mettre en place, accompagné par un jeune ingénieur algérien, j’ai eu droit à un beau compliment quand il m’a dit qu’il avait appris avec moi en peu de temps plus que lors de toutes ses années d’étude en école d’ingénieurs des travaux publics.

J’ai adoré au cours de ces années tout particulièrement les rencontres avec les expatriés et les autochtones qui m’ont toujours assuré un accueil amical et apporté une aide précieuse. D’avoir à faire face à l’inconnu, à des situations parfois limites sur le plan sécurité est aussi profondément intéressant surtout quand on est responsable que de soi-même. Ce fut une excellente transition entre les responsabilités de chef militaire à différents échelons d’une armée de temps de paix pendant trente-sept ans et celle plus calme de retraité.




 

Michel Bourgin Promotion « Maréchal Juin » (1966-1968)

            

Le Deuxième souffle : Autour de Charles de Foucauld

 

En 2002, lorsque j'ai quitté le service actif, j'ai entrepris l'étude de la vie de Charles de Foucauld laquelle a donné matière, depuis 1921, à plusieurs centaines d'ouvrages. Je ne le savais pas alors, mais cette décision allait fortement influencer ma vie. La lecture d'une documentation si importante et si variée m'a incité à écrire une étude historique sur les Touaregs du début du XXe siècle, domaine dans lequel Charles de Foucauld constitue la référence incontestable. ''Les Chroniques Touarègues'' sont parues chez l'Harmattan en 2011.

Au fils des mois, et après maintes conférences données sur la vie de Charles, j’ai voulu me faire une idée plus précise sur les grandes orientations que ce moine-prêtre, véritable électron libre de l'Eglise, a données à sa vie.

 

    J'ai d'abord découvert la vie monastique chez les Bénédictins de Fontgombault, où Charles a passé la journée du 19 août 1888 avant d'opter pour l'abbaye de Notre-Dame des neiges. Il a renoncé à cette vie de prières et d'isolement car elle ne lui permettait pas de témoigner à son prochain tout l'amour fraternel qu'il éprouvait. N'ayant pas une motivation aussi impérieuse, j'ai apprécié l'apaisement de la vie monacale et j'effectue depuis des séjours de trois à cinq jours, une à deux fois par an à Fontgombault ou à Wisques, une abbaye près de Saint-Omer dont presque tous les moines proviennent de Fontgombault.

 

 L'islam ne m'était pas inconnu, je l'avais étudié en Corniche, et mes souvenirs ont été rafraîchis par les écrits d'Henry de Castries, un ami de Charles. Cependant l'expérience vécue de l'islam fut ma seconde orientation, elle correspondait en outre à une question de société très actuelle. C'est ainsi que depuis six ans, deux fois par semaine, j'aide des lycéens des classes terminales de l'association culturelle de la mosquée de mon quartier à faire leurs devoirs de français, de philosophie et d'histoire. Ce sont de jeunes marocains et de jeunes marocaines, certaines portant le foulard, volontaires et motivés pour réussir. Les cours se donnent dans une salle annexe à la salle de prière. L'imam et l'équipe d'animation de la communauté m'ont accueilli avec une cordialité toute fraternelle. Je peux ainsi constater d'une part les difficultés que rencontrent les jeunes musulmans à suivre des études où la pensée laïque et de gauche se juxtapose à celle du Coran, et de l'autre le mal qu'ont les adultes à séparer les lois de la république de celles de leur religion.

 

 Il me fallait aussi me faire une idée de la vie dans l'Ahaggar parmi les Touaregs, au milieu desquels Charles de Foucauld a vécu les onze dernières années de sa vie de 1905 au 1er décembre 1916. J'ai répondu à l'appel du désert et effectué deux voyages à Tamanrasset, à la fois pèlerinages sur les lieux emblématiques de la vie de Charles dont le souvenir est toujours présent sur place, et surtout découverte de la culture touarègue. J'ai éprouvé, à mon tour, cette admiration pour le monde touareg que Charles a si bien traduite dans ses études ethnologiques, et cela m'a poussé à écrire un ouvrage relatant la manière dont il avait perçu leur âme. ''L'âme touarègue décrite par Charles de Foucauld'' a été imprimée chez Edita à Tours en 2020.

J'ai tissé des contacts amicaux à Tamanrasset où j'espère bien retourner encore inch allah!

 

Nombreux sont ceux qui, comme je le fais, s'intéressent à la spiritualité de Charles de Foucauld. Les uns, admirant la foi incandescente et les qualités héroïques de l'homme, militent pour sa canonisation qui semble enfin acquise. D'autres s'emploient à faire perdurer autour d'eux le comportement fraternel qu'a eu Charles avec les Touaregs à Tamanrasset, pendant onze ans. Il se définit par : absence de prosélytisme, amitié, bienveillance et conversation. Un prêtre, lui aussi électron libre de l'Eglise, s'applique depuis 1953 à faire vivre ce concept qui est l'aboutissement de l'itinéraire spirituel qui a conduit Charles de Foucauld du monastère jusqu'au désert. À un médecin militaire lui faisant remarquer qu'il n'obtenait pas de conversion parmi les Touaregs, malgré son dévouement, Charles répondit qu'il était simplement de passage alors que l'Eglise durait et avait le temps. Fort de cette réplique, j'ai admis que si imiter Charles de Foucauld semble hors de portée, avoir quelquefois son comportement envers notre prochain est possible, et c'est ce à quoi je cherche à m'employer ...







Jean-Claude CAUCINO – Promotion « Souvenir de Napoléon » (1968-70) 

ESM de Saint Cyr – Arme des Transmissions - Institut de comptabilité et Gestion (ICG Paris)- DESS Administration et Gestion des Entreprises (IAE d’Aix en Provence) – Formation en marketing de sociétés de services (HEC)

 Du rôle formateur et social d’un saint-cyrien dans le civil

Ma génération a vu les dégâts occasionnés par la guerre. A Toulon où je suis né, les épaves de notre flotte encombraient encore la rade. Passionné par l’histoire de notre grande nation, intéressé par les récits de mon grand-père, « poilu » de 14-18, gazé et blessé, j’ai été révolté par l’impréparation de notre armée en 1939, ce qui m’a conduit à présenter Saint-Cyr :  « Si vis pacem para bellum »,

En 1968, un antimilitarisme d’abord latent puis durable s’est imposé, au moment même où nous préparions le concours. C’est dans ce climat et pendant les deux années d’école que j’ai découvert les points déterminants du commandement dans l’exemplarité et l’élégance de certains de nos officiers humains, cultivés, élégants et ouverts.                                                 

Le rôle formateur et social de l’officier et la pédagogie, capacité indispensable au commandement, ont retenu mon attention.                                                                              

 A la sortie de l’EAT (Ecole d’application des Transmissions), le divorce entre les mondes militaire et civil, le sentiment d’une sous occupation de mes capacités, mais aussi l’impression d’un avenir professionnel trop assuré, ont provoqué chez moi un véritable état d’âme, j’ai demandé à poursuivre une formation scientifique en faculté.  Sans réponse satisfaisante j’ai démissionné pour m’orienter vers les secteurs de la formation continue ou de l’informatique, en plein développement. 

J’étais attiré par la prise de risques, le management des hommes, la créativité et le changement, j’ai été servi. 

Entré à la SNCF comme jeune ingénieur attaché du groupe III, je me suis rendu compte que notre récent diplôme d’ingénieur était sous-coté dans la grille de classifications de cadres - Navale et Salon étaient situées au groupe II et Polytechnique au groupe I - Avec l’appui de l’ASVIC et du ministère de la Défense nous avons réussi à le faire reclasser au groupe II, mais mon avenir était sur rail et comme précédemment, la même cause produisant les mêmes effets, j’ai changé d’aiguillage.

1974 -  Crise du pétrole et fin des trente glorieuses : le chômage explose, l’organisation scientifique du travail s’estompe devant l’organisation systémique des entreprises : une opportunité se présente dans le secteur de la formation continue, je la saisis pour participer à  une mission d’accompagnement des salariés confrontés à des changements tout au long leur vie professionnelle. Le manuel et les méthodes pédagogiques de notre Ecole m’ont été alors d’une grande utilité…

Partant de là, j’ai joué le rôle formateur et social d’un officier passé dans le civil, exerçant sans le savoir un nouveau type de direction appelé plus tard  « Management » et, au cours des ans, j’ai acquis une  véritable expertise en ingénierie de la formation continue des adultes et des formations en alternance des jeunes. 

 1974 – 1983 : Management- Organisation - développement de centres de formation et d’apprentissage en l’Ile-de-France et en Picardie (CEFI*- BTE**) : En tant que directeur régional Ile-de-France, je forme et manage des équipes de cadres-formateurs d’entreprises pour accompagner la promotion sociale et la reconversion de salariés de tous les secteurs professionnels. Nous formons, par exemple, des cadres d’UTA Industrie, entreprise de maintenance aéronautique, pour leur permettre d’affronter l’ouverture à la concurrence. Nous accompagnons Thomson dans la vente d’une usine clés en main formation assurée, en IRAK. 

1984 - 1985 : Pour le ministère du Travail et avec l’aide du Centre mondial informatique de Jean-Jacques Servan Schreiber, je crée le CFTTA*** Avec une petite équipe nous mettons en place et animons le plan de reconversion de 1500 ouvriers spécialisés (OS) majoritairement marocains du site Citroën d’Aulnay-sous-Bois. Le programme d’actions défini à partir du rapport prospectif de M. François Dalle va de la mise en place de services d’orientation et bilans compétences avec l’ANPE et L’AFPA, au lancement de formations en partenariat avec des organismes de formation spécialisés. L’utilisation des micro-ordinateurs et des didacticiels mis à disposition des formateurs vise à adapter les ouvriers à l’automatisation des chaînes de production.

1985 – 1990 :  Responsable de la formation des réseaux à la Caisse nationale de prévoyance, avec une petite équipe nous mettons en place une structure de production de kits pédagogiques multimédia et de démultiplication de ces supports auprès des réseaux  commerciaux de la CNP – « Branche Grand Public » (Poste, Trésor Public) nous obtenons ainsi, le premier prix du support pédagogique NTIC au festival de l’audiovisuel d’entreprise de Biarritz en juin 1987.                                                                                                                     En 1990, à la suite de la création par essaimage d’une Société de services il m’est possible de réaliser en externe les commandes de la CNP, de la Caisse des Dépôts et Consignations, de la Poste et des Caisses d’Epargne.

1992 –1997 - Dans ce cadre, après une mission de  conseil pour la région de Picardie, j’accepte de devenir pour cinq ans directeur de la formation continue et de la formation professionnelle des jeunes demandeurs d’emploi ainsi que de l’apprentissage (je redeviens fonctionnaire mais de droit privé).

Une nouvelle politique de formation dite d’« individualisation des parcours» est proposée aux élus et votée, elle porte sur trois grands axes :                             

* Déployer un dispositif d’information des demandeurs d’emploi et des acteurs du secteur « Emploi-Formation » en partenariat avec les services de l’Etat, pour communiquer l’offre régionale de formation et en maillant le territoire par des sites d’orientation professionnelle.                                                                                                                                                           * Prendre en charge financièrement les parcours individualisés de formation professionnelle en intégrant l’orientation individuelle préalable et le suivi de l’insertion                                        *Accompagner les organismes de formation pour les aider à obtenir un label qualité régional indispensable pour travailler avec la collectivité et évaluer leurs prestations.                                                                                                                                               

En 1994, grâce à ces innovations, le ministre du Travail reconnaît la Picardie comme « Région Pilote en matière d’individualisation des parcours de formation professionnelle ».

1997 - 2001 – Devenu directeur régional de l’AFPA***en région Centre, président du Comité régional d’entreprises, membre du service public régional de l’emploi,  je manage une équipe de psychologues du travail et huit centres de formations techniques (180 formateurs – 18 psychos  et 5 000 stagiaires par an). Le hasard nous amène à lancer la construction du site AFPA de Montargis pour respecter la parole de la ministre de l’Emploi Martine Aubry,  qui s’y était engagée, en échange de la fermeture de notre ancienne EAT (Ecole d’application des Transmissions).

Enfin, de 2001 à 2009 - Chef de projets Fonds social européen ma mission (passionnante) consiste à développer une Ingénierie de dispositif de formation individualisée mettant en œuvre « l’approche par les compétences » plutôt que par les simples « savoirs » avec 44 CFA pour le compte des services du Conseil régional d’Aquitaine. Cela m’amène à animer directement de nombreux groupes de travail et à former à la mise en place de cette nouvelle organisation et à ses méthodes, avec mon équipe, environ 500 formateurs et leurs directeurs.

En 2009 l’heure de la retraite est arrivée, la boucle est bouclée. Le rétroviseur me rappelle que chacun de mes choix s’est fait en référence à notre formation. Dans le monde civil, j’ai toujours été un saint-cyrien, c’est-à dire, un homme de mission, de décision, de méthode et d’actions assumant ses responsabilités tout en jouant un rôle de formateur vis-à-vis de chaque membre de ses équipes et stimulateur dans leur évolution professionnelle. 

Aujourd’hui et dans le même esprit, ce « jeune saint-cyrien » de 74 ans aide des lycéens à réfléchir à leur avenir et à réussir leurs épreuves du bac en mathématiques. Quand cela s’y prête, il se permet de revisiter avec eux l’histoire de notre grande nation.

« On peut quitter l’armée mais on demeure saint-cyrien toute la vie »




 

Jean-Michel CHEREAU promotion « Maréchal de Turenne » (73-75)

Après trente-sept années passées sous l’uniforme, j’ai quitté notre belle institution en fin d’année 2009 heureux et fier de toutes ces années passionnantes voire exaltantes.

Mais il m’a alors semblé trop tôt de quitter toute forme d’activité, ne serait-ce que pour notre fille alors tout juste âgée d’une douzaine d’années – mon épouse et moi-même l’avons adoptée à Djibouti en 1997 – et alors scolarisée à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur.

Alors que je m’apprêtais à démarrer une activité de directeur de sûreté dans un groupe industriel proche de la Défense, j’ai eu l’honneur d’être appelé par le groupe Areva au lendemain de la prise d’otages dont il avait fait l’objet.

Je n’ai pas hésité tant les enjeux étaient alors importants.

Au-delà, j’ai retrouvé là des femmes et des hommes engagés pour le succès de leur entreprise et fiers de celle-ci. A l’image d’un régiment, j’ai retrouvé là une certaine forme d’esprit de corps que l’on appelle ici esprit d’entreprise.

L’adaptation n’a pas été trop difficile dans la mesure où il faut savoir s’adapter à un milieu nouveau certes mais, à bien des égards, semblable au nôtre. 

Sans renier d’où nous venons, il faut toutefois savoir poser le képi. Il n’y a plus « d’images » pour dire qui on est et ce que l’on fait. On doit le montrer et le démontrer. Mais c’est là ce que doit faire en principe le bon chef : commander, s’affirmer par l’exemple et être à l’écoute de ses collaborateurs.

Ainsi, lorsqu’une décision doit être prise, doit-elle être préalablement comprise et partagée de tous.

Et je suis donc directeur de protection de ce groupe – aujourd’hui Orano - depuis près d’une dizaine d’années.


Dans cette entreprise fortement secouée ces dernières années, j’ai dû faire face à des challenges divers et variés que j’ai toujours assumés avec enthousiasme et détermination. Ma formation et mon parcours antérieurs m’y ont fortement aidé.

Aujourd’hui encore, cette envie d’agir au profit d’une société comme la mienne m’anime toujours de la même façon car je travaille avec des personnes elles aussi passionnées par leur métier et fortement impliquées dans les enjeux fixés par le boss. Tout cela nous oblige.




           

Jean-Paul CRÉDEVILLE - Promotion « Corse et Provence » 1964-1966

 

« La douceur de la gloire est si grande qu’à quelque objet qu’on l’attache, même à la mort, on l’aime » (Pascal, Pensées, éd. Philippe Sellier n°71). 

Est-ce pour éprouver cette douceur que je devins saint-cyrien ? Je l’ignore. Ce dont je suis conscient c’est de mon absence de vocation, ce penchant naturel à la réalisation           d’un désir. Mes parents n’étaient pas militaires, mes aïeux non plus. En 1963, la société civile offrait à tout jeune adolescent titulaire du baccalauréat toutes possibilités d’avenir pourvu que la volonté de réussir et le travail fussent au rendez-vous. Dans ce contexte de choix multiples, je voulais servir mon pays, j’étais féru d’histoire et je possédais une forte inclination au commandement. Je m’inscrivis dans la corniche civile de mon « bahut » de province et intégrai la Spéciale en 1964.

 

La question me taraudait depuis l’adolescence, qu’allais-je faire de ma vie et partant serait-elle celle d’un seul métier ? Une fois arrimé au choix premier de Saint-Cyr, il me restait à en accomplir le destin, ce que je fis avec enthousiasme pendant dix-neuf ans, jusqu’au grade de lieutenant-colonel de Gendarmerie. Je m’étais en effet orienté vers cette arme pour exercer un métier actif du temps de paix, en rapport avec la cité et la chose publique. Ce fut ma première inflexion de parcours.

 

En 1983, à moins de quarante ans, toujours tenté par une autre vie professionnelle et avec l’avantage d’un horizon d’environ vingt-cinq ans, je postulai pour devenir administrateur civil au titre de l’ancienne loi 70-2 et occupai successivement trois postes : chargé de mission au ministère des Finances pendant cinq ans, sous-directeur à la délégation aux relations internationales de la délégation générale pour l’armement pendant dix ans, directeur général, concurremment président du conseil de gestion, de l’institution de gestion sociale des armées (IGeSA) pendant douze ans.

 

Assurément, mes années d'école - ce temps nécessaire à la transmutation du civil en soldat - m'ont permis d'acquérir l'esprit et les valeurs qui me serviront dans l’exercice des responsabilités qui me seront confiées. Dans cet « enfer » volontaire, j’acquis de précieux atouts : le caractère « sacré « de la mission, l’aptitude à décider, la détermination à réussir, la gestion rationnelle des moyens, la vertu de l’exemple, l’importance primordiale de la donnée humaine. Mais la qualité reine, celle qui m’a aidé à bien exercer, durant la deuxième partie de ma vie professionnelle, les diverses fonctions auxquelles je n’avais pas été préparé aura été sans conteste un forte capacité d’adaptation. L’ai-je acquise durant mes années de formation militaire ou était-elle déjà inscrite en moi ? Certainement, un mélange des deux influences. Il est indéniable que j’en fus pourvu et que je sus mettre à profit cet avantage quand il le fallut.

 

Après mes deux premiers postes aux Finances et à la DGA/DRI, où il me fallut puiser dans mon passé et ma formation militaires les ressources nécessaires à la meilleure réponse à donner aux situations inédites auxquelles je fus confronté -  un peu la panoplie du combattant solitaire en milieu hostile, qui doit mesurer son effort et ne pas commettre la faute qui pourrait lui être fatale - je fus nommé à la tête de l’IGeSA où j’exerçai de facto les fonctions de chef d’entreprise, un habit lourd à endosser, d'autant que j'étais sans formation de base ni expérience en la matière ! Le statut d’établissement public industriel et commercial à but non lucratif, conféré par la loi, assimilait l’IGeSA à une entreprise de droit privé dans ses relations avec ses personnels (1200 salariés), ses fournisseurs et ses clients, à l'exception de la gestion des immeubles appartenant à l'État. Tout un espace de la vie entrepreneuriale et commerciale fut à défricher et à parfaire. D’expérience, disposer du pouvoir n’est pas une sinécure et l’exercer s’avère être à la longue éreintant. Pourtant, en dépit de la solitude de la fonction et du don de soi que son exercice requiert, le pouvoir est source intense de satisfaction. Car son détenteur se transforme dans le rapport de forces, doit faire preuve de courage pour affronter les risques et surtout doit savoir décider. La décision est consubstantielle à la fonction de direction. L’action étant un des moteurs de la réussite, la pérennité de l’entreprise repose entre autres sur sa capacité à s’adapter sinon elle disparaît. Pour éclairer l’avenir et simultanément réussir le présent, la vision du long terme doit aller de pair avec le management au quotidien. Tout cela, je l’ai vécu et assumé sur une longue période, gage de confiance de la part de la tutelle ministérielle et d’une certaine réussite s’il en est. J’incline à penser que la politique suivie en matière de mutations dans les armées m’eût privé de vivre cette enrichissante expérience !

 

Trois idées me paraissent émerger en guise de conclusion.

La reconversion n’est pas, pour celui qui y aspire, synonyme d’échec personnel dans la vie militaire ; elle est la réponse donnée par le candidat à la question contingente d’un nécessaire changement de vie, en lien avec des circonstances qu’il lui revient d’apprécier.

Deuxième idée, la formation militaire est structurante et rassurante, mais on ne peut mesurer son efficacité qu'à l'aune de la personnalité qu'elle est censée imprégner.

Enfin, à l’heure de la politique de développement des doubles diplômes entre l’ESM et certaines grandes écoles civiles, pourquoi ne pas croire aux bienfaits de passerelles organisées entre élites sociales et militaires ?

 


 

Olivier de Durat- Promotion « Grande Armée » (81 – 83)

"Fais ce que dois" est une antique devise chevaleresque.

 

Pour illustrer ma réponse à la question de la vocation nouvelle ou du servir autrement je retiens trois engagements déterminants de ma vie.

 

De mes années dans l’armée, l’alignement ! 

En 1991, chef du commando Jungle au 11e Choc, un boulevard d’épanouissements militaires s’ouvre à moi … « Servir la France » fut très tôt ma vocation. D’emblée je voulus les plus chaudes des mêlées. 

 

La voix de Saint-Cyr, « Ils s’instruisent pour vaincre ! », me commandera toujours de vaincre en moi le pauvre sire. 

 

Hélie et saint Louis m’inspirent : l’amour sait aussi être ferme et coercitif par souci de la justice. Mon choix sera d’être un guerrier au service du bien commun, avec pour le guider, deux principes : « la vérité rend libre » et « la justice est source de paix », et pour fil conducteur politique d’« aimer l’autre » pour veiller à son bien, au péril du mien. 

 

En 1991, je pressens que la guerre en Iraq est faussée, soucieuse du pétrole au détriment de peuples. En 1978, Durat avait été choqué par l’affaire du Shah. Quelle injustice pour les Iraniens !

 

Je n’adhère pas !

 

Au coup de Jarnac, je préfère le panache de Bergerac, c’est plus audacieux.

Refusant de rester muet, décider à être loyal avec les hommes : chefs et troupe,

Et surtout à la cause que nous servons tous : la paix en France et dans le monde.

Par cohérence, je démissionne et choisis une voie qui pourrait plaire aux Cieux.

 

Cela me demande courage et renoncement. « Je n’avais pas le choix » n’est pas dans mon glossaire. J’assume son corollaire. Mais renoncer aux honneurs fors l’honneur est victoire à nulle autre pareille. 

 

De ma vie civile, l’initiative !

Civil, je choisis encore les 300 derniers mètres : commercial à l’international, au contact du prospect ou du client. Je sers tour à tour chez Dassault Electronique, puis Thales et enfin DCI Défense Conseil International. 

 

Cette guerre est concurrence. Quotidienne. Sans jamais de répit. Souvent l’affrontement est plus rude entre frères français qui nous connaissons qu’avec des concurrents étrangers. 

 

Cela ne me convient pas, n’est pas inéluctable. Pas systématiquement. 

 

Dans mes derniers postes, je défends une approche capacitaire collective française qui consiste à mettre les egos sous le boisseau et à conjuguer nos énergies entre Français chaque fois qu’un client a un besoin global. Je prends l’initiative de la promouvoir, … avec succès … au bout de dix ans, dans mon entreprise, auprès de deux majors industriels de la défense et de deux syndicats professionnels, le GICAT et le GICAN.

 

Addition et multiplication valent mieux que soustraction, et surtout division. Notre principale ennemie.

 

Ce furent quelques pas en avant ! Qui ose vaincra !

 

D’un à-côté associatif, la vision !

Peu après avoir quitté l’uniforme, je suis sollicité pour encadrer des pèlerins du pèlerinage Notre Dame de Chrétienté. Je refuse. C’est ma foi, pas ma voie.  La demande est si lourdement insistante que je finis par accepter. Pas une fois mais cinq fois jusqu’à être président, presque « à l’insu de mon plein gré ». J’ai autre chose en tête. 

 

Nous souhaitons une société plus libre, plus juste, plus aimante ? Alors, au-delà des prières et de la formation, j’en appelle à l’action : rejoindre ou créer une soupe populaire, pour aller concrètement au-devant des plus fragiles … et apprendre, comprendre, s’éprendre. J’appelle cela : « l’école d’application » pour ouvrir chacun à sa vocation et forger son courage (le pauvre fait peur … alors qu’il est simplement humain. Terriblement !). Ma seule certitude est la suprématie de l’Amour : le reste n’est que convictions qui demandent à être précisées par des gestes de bienveillance, bien plus incarnés que les discours sur la charité.

 

La parole de Mère Teresa porte en ce qu’elle-même est gestes d’amour, de justice et de justesse en abondance : elle sait parce qu’elle fait.

 

Dieu est humour : me voilà porté à la tête de ces milliers de personnes si différentes. La bonne volonté nous réunit, que notre foi soit divine ou athée. Je fus un président réformateur ou peut-être profanateur, selon les regards. Mais en toute sincérité et bienveillance, bien au-delà du raisonnable. Foi et Raison furent mes lueurs de discernement.

 

Ce qui compte, ce ne sont pas les étoiles mais d’être une étoile !  Une étoile … avec une fleur !

 

En conclusion

Ma vocation reste celle de chevalier, protéger la veuve et l’orphelin. Jusqu’à en épouser une, veuve et mère. Sinon la conjoncture commande juste de s’adapter. A chaque fois, je sers autrement … toujours la France et le « bien commun ». Je reste officier saint-cyrien pour vaincre le Mal.

 

« Aime l’autre » et « Fais ce que dois » sont les devises de ma famille. 




 

 Alain de Guillebon Promotion « Maréchal Davout » (77-79)

Servir autrement : la formation de la jeunesse

 

Force est de constater que notre jeunesse, pourtant généreuse, manque cruellement de repères pour s’orienter et décider. Elle est orpheline de parents présents, mais préoccupés par des activités diverses qui, malheureusement, les éloignent de leur mission d’éducateurs. La transmission des connaissances à la génération suivante est décousue, voire inexistante. Le nécessaire savoir pour réfléchir sainement sans se laisser influencer par la pensée du moment est mal enseigné. Dans ce monde hédoniste et relativiste, discerner le bien du mal pour s’engager est devenu terriblement complexe. Or, la jeunesse est l’avenir de notre pays. C’est elle qui, à l’âge adulte, poursuivra ou corrigera l’œuvre de ses aînés.

 

Pourtant, me direz-vous, des écoles prestigieuses existent en France. Certes, mais sont-elles réellement des relais de formation de la jeunesse ? On peut en douter quand on observe la pensée unique qui domine et l’action de nos élites qui agissent toutes de la même manière quelle que soit leur tendance politique. Quelle formation faut-il donner à la jeunesse pour qu’elle ait l’audace d’être libre ? 

 

La formation repose sur deux fondements que le formateur, qu’il soit parent ou enseignant, doit impérativement respecter : la dignité de l’enseigné en veillant à ne pas brider sa liberté mais plutôt à l’épanouissement de sa personne, et la vérité qui est la base de l’enseignement. Cette dernière est malheureusement bien souvent oubliée au profit d’idées souvent plus idéologiques que scientifiques. Le respect de ces deux fondamentaux exige de l’enseignant l’humilité pour accepter la contradiction qui fait avancer la réflexion vers la vérité. Or, aujourd’hui, la vérité n’est plus le socle de l’enseignement, et des doctrines ou idées mauvaises sont assénées avec autorité sans respect de la liberté de chacun.

 

C’est là que le mot « servir » prend toute sa place. Servir pour transmettre au jeune des connaissances solides, vérifiées et vraies, pour l’aider à raisonner par lui-même en lui inculquant une méthode rigoureuse qui l’autorise à argumenter et à présenter son point de vue par une réflexion personnelle. Servir pour donner à la France des adultes qui ont le souci du bien commun et de la justice parce qu’ils sont dégagés de l’égoïsme et des contingences matérielles. Servir pour former une élite apte à réfléchir autrement pour le plus grand bien de notre pays.

 

Un autre aspect de la formation est essentiel, c’est la formation morale et spirituelle. En effet, sans élévation de l’âme, l’homme reste matérialiste et voit dans l’autre uniquement un profit. Le prochain, c’est la communauté nationale. Sans sacrifice, sans le sens de l’abnégation et du dépassement des membres de la communauté, la nation est fragilisée et décadente. N’est-ce pas ce que nous connaissons aujourd’hui avec cet ensauvagement décrit par des médias ! 

 

C’est le second aspect du mot « servir ». Donner à la jeunesse des raisons d’espérer autres que celles du gain. Donner à la jeunesse qui est généreuse la capacité du don, mais un don bien orienté vers le bien commun. Donner à la jeunesse l’amour de leur Patrie en leur enseignant notre histoire avec foi dans la grandeur de la France, en leur transmettant les règles de la morale de notre civilisation chrétienne qui a guidé les générations précédentes en leur inculquant ce sens du sacrifice rappelé par les monuments aux morts des communes de France.

 

Cette jeunesse mérite bien mieux que ce que lui propose notre société. Elle a besoin de ses aînés. Elle attend de nous que nous sachions lui parler en vérité avec une bienveillante fermeté. Le service des armes de la France passe par la formation de sa jeunesse qui reprendra, si elle en a les moyens, les rênes de leurs ainés. Comme le répétait le maréchal de Lattre aux cadres « pour s’occuper de la jeunesse, il faut l’aimer » et aimer c’est vouloir le bien de l’autre.

 

 



Didier DESTREMAU Promotion « Terre d’Afrique » (57-59)


 J’ai quitté l’armée en 1969 et c’est en 1979 que j’ai changé de ministère d’appartenance. Cette armée, je continue d’autant plus à la chérir que j’en ai été longtemps éloigné. Je siège au CA de ma promotion et participe à la vie du Casoar[1]. J’ai toujours pensé que servir la Nation peut se concevoir sous d’autres tenues que l’uniforme dans des fonctions auxquelles Saint-Cyr, (qui n’en a pas eu toujours conscience), prépare remarquablement.

Pourquoi suis-je parti ?

J’avais été comme beaucoup d’officiers de l’époque affecté par l’épilogue peu glorieux de la guerre en Algérie : A Cyr on nous avait rabâché que l’Algérie était la France[2]. Après l’Indochine nous ne voulions pas récidiver en Afrique du nord. Si j’estime aujourd’hui que de Gaulle avait raison, ce n’était pas mon sentiment dans les années 60. De surcroît, l’inique instruction d’abandonner mes harkis, comme tous les autres me bouleversait. Enfin, j’étais revenu en métropole faussement convaincu que nous allions demeurer à observer la ligne bleue des Vosges dans le cadre peu enthousiasmant de la guerre froide. Mon affectation au 13e Dragons parachutistes me fit reconsidérer cette décision de revêtir le chapeau mou. Ayant vécu à Castres et à Dieuze des jours formidablement dynamiques, je n’y pensais plus quand tomba en 1969 le couperet de l’osmose qui m’obligea à y réfléchir à nouveau. 

En choisissant de faire du renseignement puis de l’action, j’outrepassais les injonctions de l’institution voulant me maintenir dans l’armée classique.  

Parti en poste diplomatique à l’étranger, je découvrais et appréciais le métier de diplomate et son aspect « bagarreur » et concret : Le combat pour la France dans une région dominée par un Royaume-Uni déclinant mais conservant des réactions de fauve blessé correspondait parfaitement à mes idées. J’y déployais autant mon énergie et mon inventivité que lors des missions de recherche au 13e RDP.

C’est là où, petit à petit, je compris combien la formation acquise à Cyr et mise en œuvre dans les unités comme officier subalterne devient un passe-partout et un atout décisif pour une carrière dans cette fonction publique civile.

Comment s’est opérée la bascule ?

Je fus coopté par le ministère des Affaires étrangères par le biais de la loi 70/2 et envoyé au Yémen du Sud, pays misérable et communiste. Puis dans un autre. De fil en aiguille, je me mouvais dans le monde, montais en grade et fus plusieurs fois consul général et ambassadeur dans trois pays.

Une seconde vocation ?

Entrer par la petite porte dans une institution comme le quai d’Orsay n’est pas confortable : allergique généralement à adhérer à un syndicat, un ancien officier peut se sentir assez seul et mal défendu. De surcroît, on lui prête parfois des opinions politiques extrémistes, ce qui est stigmatisant. Mais ce passage dans la diplomatie qui peut apparaître comme un virage à 180 degrés n’est pas un changement si radical de perspectives. Certes, les modes opératoires sont différents, surtout parce qu’on y interagit avec sensiblement moins d’individus. Mais on attend dans la « Carrière » les mêmes qualités que dans l’armée : honnêteté intellectuelle, rigueur, sens du service commun et aussi aptitude à diriger : la pratique et l’expérience du commandement me semble être l’atout principal de l’ex-officier de même que son adaptabilité aux milieux car on y entre en contact avec des cultures très diverses. Comme dans l’armée, on change régulièrement  de postes, de pays, de perspectives (les affectations sont multilatérales ou bilatérales).

Il convient aussi de savoir analyser une situation et la décrire en termes concis et clairs. Le sens des responsabilités y est essentiel, en particulier celle de savoir éprouver ses subordonnés pour pouvoir leur faire crédit. Pour moi, l’expérience acquise au 13e RDP et au 1er RPIMa impliquant une absolue confiance en la capacité de mes équipiers m’a servi pour déléguer des décisions à mes collaborateurs. 

Autant que dans l’armée, on doit être sur le terrain pour comprendre et apprivoiser le pays où l’on réside. Vivre en ambassade sous les ordres d’un ambassadeur n’est pas fondamentalement différent que d’être lieutenant ou capitaine dans un régiment. Cela impose une loyauté à toutes épreuves mais aussi une franchise, certes teintée de mesure. Et diriger un consulat général ou une ambassade signifie, comme dans l’armée, donner des missions précises et réalisables à ses collaborateurs, contrôler l’exécution des tâches, mettre de l’huile dans les rouages… Et dans les deux fonctions, le charisme personnel compte tout autant sinon plus que les titres et les galons. 

Dans l’action diplomatique, on a aussi des « ennemis » et des alliés, les autres pays. Ils agissent sur les fronts politiques, économiques, culturels... La différence c’est que les amis sont presque toujours des concurrents. Il faut donc manœuvrer et cette tactique peut rappeler celle des militaires sur le terrain, voire sur les bacs à sable de l’Ecole d’état-major.

Peut-être manquerait-il initialement à l’officier la souplesse de l’échine et la culture du compromis. Il doit aussi améliorer ses capacités d’écoute. Mais cela s’acquiert même si cela provoque quelques conflits… 

Pour résumer, il y eut pour moi une continuité certaine entre les deux métiers et je suis redevable à Saint-Cyr de m’avoir inculqué les armes nécessaires pour évoluer dans cette seconde carrière.


  1)Cf: articles liés à ce débat sur « Saint Cyr creuset des élites » dans le numéro 230 et « Soldat et diplomate » dans le numéro 234.

  2) Georges Sauge était un des conférenciers officiels.




 

Olivier Filliette- promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970  

Comme je l’indiquais dans mon long témoignage sur ma vie passionnante de militaire, j’ai été nommé en septembre 1985 sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de l’Orne. La première prise de contact fut assez originale. Par courtoisie mais aussi par curiosité j’ai souhaité venir me présenter fin aout à Jean Jouhandet préfet en exercice.

La préfecture de l’Orne est un ancien château des ducs de Guise il est donc bien défendu par une haute grille et un portail encadré par des colonnes supportant chacune une énorme boule de granite de + de 500 kg.

Cette grille est gardée par un agent de police qui était avisée de ma visite. Par un passage dérobé il m’introduit dans le parc (4ha) où le préfet faisait une courte sieste accompagné de son berger allemand qui avait justifié l’empressement du policier à refermer le portillon. Sans hésiter le chien s’est aussitôt précipité à l’attaque de ce visiteur inconnu (si vous avez lu mon premier papier j’avais un lion deux guépards…J’ai donc exercé cette expérience pour stopper le chien, le mettre au pied et aller saluer le préfet), étonné de mon flegme et de la passivité du berger allemand.

Il a dû apprécier car nos relations furent très vite de confiance au travers de déjeuners en couple ou de parties de tennis où j’ai malgré certains efforts le battre à plate couture. Par la suite nous avons privilégié le footing.

 L’Orne est calme (à part le haras du Pin et un centre thermal) c’est un département essentiellement agricole.

Un jour et j’ai oublié à quel propos j’ai reçu le président local de la FDSEA et du CDJA me prévenant d’une prochaine manifestation devant la préfecture avec certains risques d’incidents. Méfiant j’avais pris la précaution d’enregistrer nos propos où j’insistais sur l’interdiction de toucher aux grilles en raison du risque de voir les boules de granit blesser ou tuer des manifestants.

Avec l’accord du préfet j’ai demandé le soutien de deux compagnies de CRS. J’ai indiqué à leurs chefs que je doutais de la bonne foi des deux présidents et je leur ai remis une pochette remplie de petits aimants ainsi que deux grenades fumigènes incendiaires. Ils devaient également déguiser certains CRS en paysan par éventuellement s’infiltrer. J’ai aussi pris la précaution de fixer un caméscope couvrant la grille et le portail.

Cela n’a pas manqué, les émeutiers précédés par un magnifique tracteur doté d’une longue fourche avant sont arrivés et ont tenté de soulever les vantaux du portail. J’ai par radio donné le feu vert pour mon petit commando et le tracteur, presque neuf, s’est rapidement embrasé, les CRS ont alors chargé en dispersant des émeutiers paniqués.

Quelques 20 minutes plus tard les deux présidents ont sollicité une audience que j’ai fait précéder de l’écoute de mon dictaphone et la projection de l’incendie du tracteur. Le remboursement de ce tracteur a épuisé les caisses noires des deux syndicats et mon préfet m’a dit : « cela vaut le mérite agricole. Dix ans plus tard mon ami Bernard Tomasini ancien chef cabinet de Mr Pasqua, devenu préfet de l’Orne, me rappelait cet incident qui lui a valu une paix royale.

Six mois plus tard Jean Jouhandet s’est fait muter comme TPG dans le sud-ouest et fut remplacé par Hélène Blanc une des premières préfète de la république. Nos relations furent très courtoises et sans incident.

Sept mois plus tard j’étais nommé directeur de cabinet du Haut Rhin à Colmar. C’est sans doute la période de ma vie où j’ai le plus travaillé, sans aucune instruction. Le préfet passionné d’alsacien créait un dictionnaire Franco/Alsaco et me laissait toutes libertés.

J’en ai profité pour inspecter des points sensibles comme la maison d’arrêt de Colmar et celle de Mulhouse sans oublier la grande maison centrale d’Ensicheim. Je m’interdis de vous relater dans le détail les mutineries de chacune d’entre elles mais mes reconnaissances se sont avérées très précieuses. A Colmar nous avons pu défoncer un mur très mince de la chapelle et charger avec les chiens de la gendarmerie et les lances des pompiers. A Ensicheim J’ai pu retrouver dans les ruines d’un bâtiment l’accès au PC des mutins qui conservaient quatre otages (2assistantes sociales et deux gardiens) A Mulhouse ce fut vite réglé. 

Un dimanche après-midi une fois encore j’ai appris une fuite à la centrale de Fessenheim. Je me suis donc précipité et j’ai rencontré le directeur qui était un ancien du Prytanée de La Flèche tous les médias étaient à l’affut mais le directeur m’a convaincu que cela ne présentait aucun risque car provenant du réseau secondaire. J’ai donc proposé que nous allions nous assoir tous les deux sur cette soupape et les médias ont pu mitrailler.

A nouveau un dimanche vers 15h00 je travaillais dans mon bureau et sonne ma ligne directe. C’était le directeur adjoint des renseignements généraux qui assistait au meeting aérien d’Habsheim et qui assistait en direct au crash de l’airbus A 320. J’ai aussitôt fait boucler la zone par la gendarmerie à l’aide de son colonel et ami Daniel Seron. J’ai invité un autre ami Norbert Schnebelen patron des pompiers de Mulhouse pour mettre toute la gomme. J’ai pu rapidement récupérer les boites noires au grand dam du procureur et suis rentré au bureau où j’avais fait installer une dizaine de prises téléphoniques et derrière lesquelles mon commissariat de Colmar avait positionné des polyglottes capables de réagir à des appels du Japon, d’Allemagne, de Pologne, USA….et pendant cela ma femme et mes enfants distribuaient bières et hot-dogs.

Quoi vous dire encore, ce sont des problèmes de télésièges dans les stations de ski, la grève animée des transporteurs de fonds sans oublier celle des mineurs de potasse d’Alsace qui se plaignaient de la chaleur à - 500 mètres Je leur ai signalé que je revenais depuis peu de Djibouti où les records de températures sont fréquents voire quotidiens. Ils ont sauté de joie et la manif s’est dispersée et 3 trois jours après j’étais accueilli avec beaucoup de chaleur et de gentillesse et surtout j’ai découvert la ligne de taille qui est impressionnante. Pour me remercier j’ai eu droit à une très belle lampe de mineur mais qui a mal supporté l’humidité du bord de mer.

Ce serait trop long de vous relater mon affectation comme sous-préfet de Langres. J’ai passé trois années merveilleuses avec des préfets de qualité à gérer un large territoire comprenant 168 communes le plus souvent agricoles mais avec Plastic Omnium; 3P, les coutelleries de Nogent la commercialisation des sacs Dior Nina Ricci …..Que du bonheur dans l’ancienne résidence des évêques de Langres, superbe bâtisse XVII° avec un parc de plus d’un ha en pleine ville fortifiée. (la rumeur locale laisse dire que Viollet le Duc aurait hésité entre Langres et Carcassonne!)

Puis après des adieux poignants je suis affecté à Bressuire où très heureusement je ne suis resté qu’un an ne supportant pas cet esprit toujours des chouans antirépublicains.

J’ai heureusement pu faire valoir mon envie de servir en centrale où j’ai été affecté comme responsable des financements des préfectures et sous-préfecture le tout sous la férule d’un directeur d’exception, d’origine russe, président de l’association des officiers de Marine du TZAR, Alexandre Jevakhoff HEC ENA … qui m’a encore une fois laissé la bride libre et c’est pour moi le seul cadre où j’exprime mon meilleur de moi-même. J’ai ainsi pu voir défiler une majorité de préfets ou de grands sous-préfets pour grappiller quelques aumônes. Ce fut une période très sympathique avec une équipe technique et administrative de qualité. J’ai beaucoup voyagé pour mesurer l’urgence des interventions mais aussi les conditions des marchés et les résultats des actions conduites. Après trois ans de travail passionnant j’ai aspiré à un poste de sous-directeur. Le DGA m’avait toujours dit que j’étais fait pour celui de sous-directeur des opérations de la sécurité civile mais le titulaire tardait à partir. J’ai donc accepté celui de sous-directeur de l’habitat et du logement dépendant à la fois de l’intérieur et de l’Equipement

Quand je suis arrivé le bilan de production de logements sociaux à Paris était piteux avec 670 logements cofinancés. Je ne vais pas m’étendre sur le management parfois houleux avec la Ville de Paris et ses bailleurs et surtout les bailleurs « extra capitale » que j’ai pu motiver et aider pour la réalisation de centres d’accueil (palis de la femme, boulevard Pereire…)

Il serait fastidieux de vous relater toutes les péripéties avec des appels directs court-circuitant mon ministre de l’intérieur et mon préfet.

Enfin et je vais arrêter là j’avais largement dépassé les annuités nécessaires mais il fallait lâcher la barre. Mon préfet et délicieux ami Bertrand Landrieu m’avait dit, sept mois auparavant, que je serais nommé officier de la Légion d’Honneur. Ce fut une remise incroyable avec tous les préfets de la couronne, la ville de Paris et quelques précieux associatifs comme Emmaus Le GIP HABITAT, le Secours Catholique. Dans son propos trop élogieux à mon goût il a affirmé que nous étions comme larrons en foire. 

C’est le mot de la fin





Paul GIROT de LANGLADE- promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970  

En 1983 alors que je servais comme adjoint à l'enseignement militaire à l'ENTSOA d'Issoire mon épouse a eu un lymphosarcome, elle suivait un traitement à base de chimiothérapie sur une durée d'un an j'étais un peu déprimé et j'ai vu passer un télex qui disait que le ministère des affaires étrangère cherchait des cadres j'ai donc postulé et après que l'on m'a demandé si je possédais la langue arabe ou russe, mon interlocuteur m'a alors dit que je pouvais postuler pour un poste de sous-préfet ce que j'ai fait et j'ai donc transmis un dossier au titre de la loi 70-2 j'ai eu la chance d'être retenu et me voilà convoqué au ministère de l'intérieur pour un grand oral; j'ai trouvé les questions curieuses et je suis sorti de cet examen très interrogatif sur les résultats. 

Finalement j'ai été admis comme sous-préfet et après quelques mois à attendre une affectation qui n'arrivait pas (il y avait eu un changement de ministre de l'intérieur (Gaston Deferre venait de céder sa place à Pierre Joxe) j'appris enfin que je devais rejoindre bourg en Bresse où j'étais attendu comme directeur de cabinet du préfet de l'Ain .Me voilà donc parti pour ce premier poste ou je suis reçu par le préfet Gerard un ancien de l'école de l'outre-mer qui avait fait la première partie de sa carrière en Afrique équatoriale, c’était un homme remarquable qui avec beaucoup d'intelligence et de patience m'a appris toutes les ficelles  de ce métier. Avec moi le secrétaire général était aussi un ancien militaire et son conseil aussi m'était précieux .les gens qui viennent te voir attendent une réponse à leur problème si tu ne comprends pas tout note donne le papier à ton chef de bureau et dis que tu t'occupes du problème tu leur enverras une réponse écrite .c'est ainsi que j'ai passé ma première année comme un cavalier sur son cheval à un concours de saut d'obstacles ne pas refuser mais sauter l'obstacle quoique il arrive.au bout de quinze mois j'ai été muté comme directeur du cabinet du préfet de l'Hérault préfet de la région Languedoc Roussillon où là j'avais à m'occuper de tout ce qui relevait de l'ordre public et des voyages ministériels qui étaient très fréquents .au bout de 16 mois je reçois un appel téléphonique de la mairie de paris me disant " on voudrait vous voir mardi prochain à Paris je réponds que ce ne sera pas possible car je prépare une visite ministériel mais je pourrais y être le mercredi à 11h . Je sens mon interlocutrice qui s'étrangle un peu et je raccroche. A peine 10 minutes plus tard un autre appel du préfet Landrieu directeur de cabinet du premier ministre qui avant que je puisse dire un mot m'asseye "mon jeune ami quand le premier ministre convoque un sous-préfet celui-ci s'exécute et ne repousse pas le rendez-vous au mercredi surtout à l'heure du conseil des ministres alors rappelez paris et dites leurs que vous y serez. C'est ainsi que je suis devenu sous-préfet d'Ussel en Corrèze .En 1988, ce sont les élections présidentielle que jacques Chirac a perdu et il me dit "que voulez-vous faire? Je lui répondis vous m'avez fait venir pour que je m'occupe de vos affaires en Corrèze je vais continuer à le faire jusqu'à ce que le ministère me mute. Mais, le problème c'est que le ministère ne bouge pas et je reste jusqu'en juillet 1991 et chaque fois que j'appelais le ministère je l'entendais dire rappelez dans six mois le chef du bureau est très occupé. Finalement, on m'a proposé un poste de secrétaire général du territoire de Wallis et Futuna poste tenu jusqu'alors par un attaché de Préfecture mais j'ai accepté et je suis parti dans le pacifique sud au milieu de nulle part. J'y resterai 28 mois et je me suis régalé car il y avait tout à faire c'est ainsi que j'ai réalisé un changement majeur du code des douanes et nous sommes passés du Fob au CAFce qui veut dire que l'on taxe les marchandises qui arrivent soit au prix de leur arrivée à bord soit on les taxe en prenant en compte les assurances et le prix du voyage. J'ai lancé aussi un code du travail un lycée, un hôpital à Futuna bref je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. La droite étant revenue au pouvoir j'ai reçu le ministre de l'intérieur monsieur Pasqua qui en partant me dit je ne vous oublierais pas et effectivement deux mois après j'étais muté comme sous-préfet de Brive en Corrèze .1995 victoire de Jacques Chirac à la présidentielle et en janvier 96 j'étais muté en qualité de préfet de la Corrèze où je vais rester jusqu'en novembre 1999 .me voilà préfet de la Savoie puis du Vaucluse puis de la Guadeloupe et enfin d'Indre et Loire. Voilà ce que je peux dire sur un reclassement dans une carrière civile qui pour moi a plutôt été bien réussie. La formation que j'ai reçue à saint Cyr m'a beaucoup aidé dans ce métier du corps préfectoral où il faut savoir décider rapidement recevoir beaucoup. Être au service des autres sans avoir le temps de se préoccuper de soi. Bref un métier qui demande d' être disponible en permanence et prêt à agir quoiqu'il en coûte.




 Gérard GLENAT promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970  

Ne parlons pas surtout pas d'une deuxième carrière avec ce rôle de délégué du Médiateur de la République, devenu le Défenseur des Droits. Il ne s'agissait que de meubler "intellectuellement" une retraite venue trop tôt quand on pense que l'on peut Servir encore. Le jardinage, le bricolage, éternellement remis du temps de l'activité, le sport ou la chasse plus à portée compte tenu de la disponibilité nouvelle, tout ça, c'est pauvre pour le dernier neurone qui subsiste !

Et donc, en 2008, soit après 4 ans de "retired", un jour, devinez qui ? mon vorace de Coët, puis divisionnaire quand j'étais chef de corps, puis - si, si ! - cdt de la RTSO quand je suis arrivé comme DMD en Dordogne, l'ineffable Xââvier, de Lambert pour tout dire, m'appelle en me demandant  si je ne m'emm...pas trop à la retraite...et m'embarque dans cette fonction.

J'y trouve les rendez-vous sur objectifs - quand il faut traiter les dossiers multiples et variés -, le contact social que la retraite distend toujours plus ou moins, à part le cercle de relations/amis, et finalement, quelque part, la poursuite de ce qui est aussi le credo de l'officier : SERVIR. Certes plus la France, mais ses citoyens, souvent malmenés par l'administration aux arcanes parfois insondables !!, parfois paumés ou ayant déjà fait feu de tout bois pour sortir de galères dont certaines indicibles, parfois aussi gaillardement fraudeurs :(...et là, le sens de l'homme que nous avons tous du exercer en activité (enfin, je l'espère!) se révèle un bel atout pour ne pas se laisser "enfumer" et remettre les pendules à l'heure. Alors, il faut la distanciation, sinon ton moral plonge vite fait devant certaines situations humainement très ( très) difficiles,  la ténacité d'un chien à sanglier pour aller au bout du dossier, quelques heures quotidiennes devant ton ordi sans te laisser complètement phagocyter par le " job" ( ce fut le cas au début jusqu'au jour où je me suis rendu compte que je ne faisais plus que ça et ce fut donc décidé : délégué le matin, p.m : le retraité avec ce qu'il a à faire) et, au bout du compte, la satisfaction d'avoir sorti un (ou une) quidam du pétrin. C'est prenant, valorisant...et pas payant (bénévolat) mais quand on aime, on ne compte pas ! La preuve, j'ai attaqué ma 12 ème année, et je continue ! Maso, j'vous dis !



Jacques Hugon promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970  

Après une carrière complète de quarante ans au sein de l’armée de Terre et du service des essences des armées, ma dernière mutation a consisté à suivre en 2008 mon épouse dans la maison de famille dans un petit village (70 habitants) du Jura.

 

Arrive la période électorale pour les municipales et je me présente comme conseiller municipal avec l’ambition d’être élu maire pensant pouvoir apporter à mon village où je ne suis pas un inconnu. J’ai été en fait conseiller municipal d’opposition de 2008 à 2014 où j’ai essayé d’adopter une position constructive et participative.

 

J’ai été élu maire en 2014 et à nouveau en 2020. Le niveau de la commune est celui où s’exercent les compétences générales c’est-à-dire toutes celles qui n’ont pas été transférées à la communauté de communes.

Le maire, premier magistrat de la commune est le représentant de l’Etat et administre la commune.

Comme dans toute structure hiérarchique, un maire donne l’impulsion, a pour but de fédérer les compétences et les talents des habitants pour le « Vivre ensemble » dans tous les sens du terme.

 

Naturellement, j’ai eu et je connaîtrai encore des déconvenues mais ce qui m’a motivé et me motive encore c’est :

  • de réaliser des travaux avec des ressources financières très limitées ce qui impose de solliciter les échelons territoriaux, préfecture et conseil départemental pour des subventions,
  • d’organiser des manifestations de cohésion afin de resserrer les liens dans la commune ; bien sûr il n’est pas possible d’obtenir une adhésion totale,
  • travailler sur des sujets rassembleurs.

 

Ma grande fierté, c’est d’avoir pu organiser le 8 septembre 2018 une manifestation mémorielle dans la cadre du centenaire de la fin de la première guerre mondiale. A cette occasion, j’ai pu mobiliser des habitants pour remettre en état un ouvrage destiné à cuire le pain construit en 1917 par une compagnie de forestiers canadiens. La photo montre le « Four des Canadiens » inauguré le 8 septembre 2018 par les autorités locales lors d’une cérémonie qui a rassemblé plus de 250 personnes.




GDI (2S/Gendarmerie) Philippe JACQUES- Promotion « Souvenir de Napoléon » (1968-70) 

 

Témoignage sur une activité d'enseignant à la Faculté de Lyon III.

 

En 2004, alors que j'occupe le poste de commandant de la région de Gendarmerie sud-est (huit départements de Rhône-Alpes et quatre départements d'Auvergne), je suis sollicité par la faculté de Lyon III qui recherche un enseignant du grade de général pour faire des cours dans le domaine "Sécurité-Défense" à des étudiants de master II professionnel option "OI/ONG" (Organisations internationales et organisations non gouvernementales) J'accepte la proposition car je considère qu'il est nécessaire de mieux faire connaître auprès des universitaires les missions et les responsabilités des forces de sécurité.

Ayant vécu l'année précédente le sommet du G8 à Evian (74), je propose de monter un cours (18 h seulement) sur le thème de l'organisation et la sécurité des grands événements, ce qui est accepté.  

En effet seul un événement de type G8 (ou G20) offre, de mon point de vue, un spectre de menaces aussi diversifié et aussi complet pour les trois raisons principales suivantes:

- la présence des plus grands responsables politiques du monde,

- l'afflux  à un niveau exceptionnel des médias internationaux: à titre d'exemple, 3000 journalistes ont été accrédités à Evian (France 2003) et 4700 à Heiligendamm (Allemagne 2007).

- enfin  la concentration des risques sur un seul site.


Le G8 d'Evian, au regard de sa situation géographique, représentait de surcroît un véritable cas d’école en raison des considérations suivantes :

- forte dimension bilatérale (France/Suisse) notamment sur le plan militaire et sécuritaire alors que la confédération est hors périmètre Otan et hors espace Schengen (à l’époque)

- nécessité de maîtriser trois milieux (air, terre, lac)

- proximité de pays limitrophes (Suisse, Italie, Allemagne), ce qui signifiait concrètement un afflux possible d’opposants, notamment au regard du fait qu'il s'agissait du premier

 G8 en Europe après Gênes où des violences graves avaient été observées (un mort, de nombreux blessés)

L'étude de l'organisation et de la sécurité des grands événements est, pour des universitaires peu rompus à ces problématiques, riche d'enseignements car elle les confronte à des réalités concrètes en matière de coordination d'action (coopération interministérielle, interarmées, et internationale). Il s'agit d'un exercice fructueux où peuvent leur être livrés des clés de lecture et des outils méthodologiques (MRT simplifiée par ex.) très utiles à l’analyse et à la résolution de situations moins complexes auxquelles ils pourraient être confrontés par la suite.

Pour les étudiants ayant choisi l'option ONG, l'actualité démontre malheureusement que la sécurité des travailleurs humanitaires est de plus en plus menacée, obligeant les organisations à améliorer la protection de leurs ressortissants en les professionnalisant davantage.

La culture de sécurité acquise à l’issue de ce cours, même si elle a été appréhendée essentiellement du côté de la puissance étatique (parfois face aux ONG !) reste valide pour ces dernières pour assurer la protection de leurs membres dans les zones où ils sont appelés à intervenir.

En ce qui me concerne, la fréquentation pendant environ huit ans de cette jeune génération d'étudiants s'est révélée une expérience intéressante. J'ai pu mesurer que l'état d'esprit des étudiants vis-à-vis de la chose militaire et des questions de "sécurité-défense" avait très favorablement évolué depuis l'époque où je fréquentais la Spéciale. Par rapport à notre génération, ces étudiants, fussent-ils en master II, affichent en revanche souvent des lacunes dans la maîtrise de la syntaxe française et de l'orthographe, ce qui en dit long sur les failles du système éducatif français, notamment  au regard des sommes que l'Etat y consacre. 

Par ailleurs, j'ai découvert que l'université française ne s'était pas encore débarrassée entièrement de certains travers de népotisme et que les méthodes pédagogiques avaient encore de larges marges de progrès. L'organisation du travail de son côté repose sur la compétence souvent incontestable du personnel enseignant et de l'administration mais la vision transversale que peut avoir par exemple un chef d'état-major dans une structure militaire n'existe pas et fait défaut pour fédérer les énergies et aboutir à une véritable cohérence pédagogique. 


   



Louis-Christian JULLIEN  - Promotion « Souvenir de Napoléon » (1968-70)

 

Mission en Europe : le Collège européen de Police


Une carrière d’officier de gendarmerie ouvre parfois des perspectives originales qu’on n’aurait pas imaginées en sortant de Cyr puis de l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale de Melun.

C’est ainsi que, général sous-directeur de l’emploi (doctrine d’emploi des unités dans tous les domaines du service de l’arme) à la direction de la gendarmerie, on me demande de mettre en œuvre pour notre maison le « volet formation » de sa participation aux instances européennes de coopération policière. Pour cela, je prends en 2001 le commandement du Centre d’enseignement supérieur de la gendarmerie, chargé de la formation continue des officiers (école d’état-major, stages de commandement) et de l’accompagnement des différents cursus interarmées suivis à un moment donné de leur carrière par les hauts potentiels ( Ecole de guerre, Centre des hautes études militaires, IHEDN…).

 Dans le cadre de cette mission, le Centre  d’enseignement supérieur est impliqué dans la politique  de relations internationales de la Gendarmerie nationale et, à partir de 2001, raison de mon affectation à la tête de cet établissement, il la représente au conseil d’administration du « Collège européen de police » (CEPOL-« European Police College »), organisme communautaire créé après le sommet européen de Tampere (Finlande 1999) par une décision du Conseil de l’Union européenne. Le Collège s’inscrit dans le cadre de la coopération policière européenne (3° pilier) et vise à harmoniser la formation des hauts responsables des polices des états membres de l’Union européenne et des pays candidats à l’adhésion. Il organise notamment des stages et des séminaires sur des thèmes majeurs de sécurité reconnus comme prioritaires par le Conseil de l’Union (lutte anti-terrorisme, réseaux criminels, cybercriminalité, police technique et scientifique, trafics divers, gestion non militaire des crises…). 

Le Collège est composé des directeurs des « académies » ou écoles supérieures de police des états membres (Direction de la formation de la Police nationale, CESG pour la France). La présidence du Collège est assurée à tour de rôle, pour une durée d’une année, par les directeurs d’académies de police des états membres qui se succèdent à la présidence de l’Union. 

Je souhaite souligner la participation spécifique de la gendarmerie, en particulier dans le domaine de   la planification stratégique des opérations de police. 

Avec le temps, la Gendarmerie nationale s’est assuré une position de leadership en ce domaine notamment avec l’engagement du Centre d’enseignement supérieur de la Gendarmerie (CSEG) et elle a progressivement pris un rôle important dans ce que l’on appelle aujourd’hui les « missions de maintien la paix » (« Peace support operations »- PSO).

Historiquement et traditionnellement, son action entre dans le cadre de la « police aux armées », la prévôté.  

Mais à l’aube de l’année 2002, l’UE décide de prendre le relais des Nations-Unies en Bosnie-Herzégovine et d’y lancer le 1er janvier 2003, dans le cadre de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), une « mission de police » qui doit succéder à l’IPTF (« International Police Task Force » crée par l’annexe 11 des accords de Dayton de 1995 et composée au début 2002 de près de 2000 policiers internationaux). La Gendarmerie nationale tient une place privilégiée dans ce nouveau cadre d’action. Pour répondre aux exigences d’une opération de gestion de crise,   elle a notamment proposé un concept d’« Etat-major européen projetable » testé à Saint-Astier en Dordogne au CNEFG (Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie) dans un exercice de déploiement d’une composante de la « Force de police européenne » (concept de génération de force élaboré au sommet de Feira (Portugal) en juin 2000).  

Afin de préparer cette première mission de police de l’UE, une équipe de planification est mise sur pied début avril 2002 dans les locaux du Secrétariat Général du Conseil de l’Union (DG E IX, Unité de police, organe dont la création a été décidée au sommet de Nice en décembre 2000 et qui se met en place à partir de juin 2001).  

Sur les treize membres initiaux de cette équipe de planification deux officiers supérieurs appartiennent à la Gendarmerie nationale.

Dès lors, on prend conscience que les équipes de planification qui se constituent au sein de 

 l’« Unité de police » du Secrétariat général de l’Union doivent pouvoir disposer d’une méthode unique leur permettant d’optimiser leurs interventions. Ainsi, le Centre d’Enseignement Supérieur de la Gendarmerie  a-t-il conçu, élaboré et organisé en mai 2004 le premier stage de « planification stratégique des missions de police de l’UE ».

 Ce module de stage, ensuite « exporté » et organisé en partenariat avec les états membres qui demandent à l’accueillir, vient en complément du cours de « gestion civile de crise » (« crisis management ») mis sur pied par la gendarmerie et dispensé dans le cadre du CEPOL. Dans le temps réel de la planification, ce stage prépare des officiers à l’ensemble des tâches convergeant vers la rédaction du concept d’opérations (CONOPS) à partir d’une méthode  de planification adaptée de la méthode MARS enseignée à l’époque au Collège interarmées de Défense (et remplacée depuis par la MPO, méthode de planification opérationnelle prenant en compte les standards de l’OTAN). Cette méthode  a été transposée par les officiers brevetés du Centre d’Enseignement supérieur de la gendarmerie en MEPOL (Méthode de planification stratégique des opérations de Police) labellisée par les instances ad hoc de l’Union européenne. En parallélisme des formes avec les besoins de la planification militaire, cette méthode vise à   faire prendre conscience de l’interdépendance des acteurs et des facteurs de la planification stratégique d’une mission de police. Elle permet de faire émerger une culture commune qui valorise, dans un domaine crucial, celui de la sécurité, le projet européen.

Notre illustre parrain de promotion avait fait essaimer à travers l’Europe et même au-delà « cette force mi-civile, mi-militaire et qui rend les meilleurs services ». Sur ses traces, j’ai eu la chance d’exercer une  mission originale, à la fois technique et diplomatique, d’exportation de nos savoir-faire, en  parcourant les capitales des pays membres de l’Union européenne et au-delà. J’y ai noué des liens professionnels et parfois personnels très forts avec nos homologues. Cette modeste  contribution, par des travaux concrets, à l’approfondissement  de  nos valeurs communes, en tenant compte des systèmes juridiques et institutionnels différents, a permis de faire émerger une culture commune sur les bonnes pratiques de notre métier fondées sur l’état de droit et le respect de la personne humaine défendus par nos institutions régaliennes.

 



Lieutenant-colonel Gilles Lécuyer

Promotion « Souvenir de Napoléon » 1968 – 1970

 

Après une carrière passionnante qui s’est partagée entre quinze années dans des régiments des troupes de marine (22e RIMa, 6, 2, 8e RPIMa) et dix-huit années dans les services de renseignement. Des séjours et des OPEX qui m’ont conduit, au Tchad, en Centre Afrique, à la Réunion, Madagascar, Lybie, Mauritanie et Burundi.
 Arrivé à la retraite, je ne pouvais pas quitter cette vie qui me passionnait et j’ai donc rengagé comme officier de réserve et pu de nouveau faire une nouvelle OPEX en Centrafrique.

En actions collectives, à la retraite de la retraite en 2003, je me suis investi, avec toujours dans le cœur l’Ancre d’or des TdM, dans deux associations : l’amicale départementale des anciens des troupes de marine et anciens d’outre-mer et l’association des anciens combattants de Roquefort-les-Pins (commune de 7 000 habitants à 20 km de Nice).  Je suis devenu président de la première en 2005 et secrétaire général (en 2003) puis président (en 2015) de la seconde.

Ces deux associations ont bien évidement participé à toutes les cérémonies patriotiques entretenu la mémoire des actes de bravoure des marsouins et bigors mais aussi de tous ceux qui ont été engagés dans les conflits du XXe siècle et du XXIe.

Pour l’amicale départementale des troupes de marine en organisant tous les ans, dans une commune différente du département une belle commémoration des combats de Bazeilles.

Pour Roquefort-les-Pins en entretenant et fleurissant le 1er novembre de chaque année, les tombes des anciens combattants enterrés dans la commune.

Dans des activités dédiées à une population plus jeune, j’organise depuis maintenant vingt ans une belle exposition annuelle d’une quinzaine de jours, à cheval sur le 11 Novembre, sur des thèmes d’histoire militaire ; elles ont toutes accueilli entre 600 et 700 visiteurs dont des classes des écoles. Cette exposition complète une cérémonie du 11 Novembre qui se déroule avec un certain faste et accueille des représentants Canadiens, Britanniques et Américains et un piquet d’honneur de militaires d’active jusqu’à recevoir en 2005 une dizaine de saint-cyriens en grand U !

 

En actions individuelles : 

J’ai été intervenant dans les journées d’études historiques du 20 septembre 2002 sur le thème « les saint-cyriens dans la Résistance » à Aix-en-Provence.


J’ai animé pendant quatre ans le « club seconde guerre mondiale » au collège de Roquefort-les-Pins avec édition d’un fascicule « Je raconte la seconde guerre mondiale aux enfants des collèges ». Ce club a cessé, des modifications dans les horaires de fonctionnement du collège empêchant ces activités annexes.

Intervention dans les écoles pour présenter « l’appel du 18 juin ».

Enfin je donne assez fréquemment des conférences sur la période seconde guerre mondiale.


Pourquoi me suis-je engagé dans ces activités ? 

Simplement parce que l’histoire de notre pays est bien plus glorieuse que ce que l’on veut nous faire croire. Alors étudier cette histoire et transmettre LA VÉRITÉ est devenu ma nouvelle mission !




 

 

 

 


  

Jean-Pierre LIMET, promotion « UNION FRANCAISE » (1952-54)


ETUDIER, ENCORE ETUDIER POUR S’ELEVER …

J’ai eu la chance, dans mes dernières années de « secondaire » d’avoir un professeur d’anglais de grande qualité : Pierre-Maurice Richard. Quelques années plus tard, c’est lui dont les manuels ont pris la suite des « Carpentier-Fialip » dans les lycées. Cet homme nous a transformés : une excellente prononciation, un vocabulaire bien établi, et toute ma vie j’ai tiré parti de cette formation de qualité.

Et, hasard ou chance, j’ai très rapidement obtenu le troisième degré d’anglais, puis une licence de lettres (anglais, allemand, géographie) et ai accompli des stages dans l’armée anglaise puis dans l’armée américaine, puis suis devenu interprète du général Gillois, inventeur des engins amphibies.

Officier du génie, ces dispositions intellectuelles n’ont pas pu me servir autant que j’aurais pu le souhaiter, mon arme préférant une formation scientifique. Cela m’a amené, alors que j’étais instructeur à l’Ecole du génie, puis responsable du bureau emploi du temps de cette école, à préparer le concours de l’Ecole supérieure de l’intendance, à laquelle j’ai été reçu.

A peine sorti de cette école, la direction du service nous a conseillé, compte tenu du probable regroupement à terme des trois services (Terre, Air, Marine) de compléter nos études juridiques. Tout en exerçant mon « métier » normalement, j’ai ajouté à mes diplômes, les quatre ans de licence de droit qui, entre temps, sont devenus une quasi-maîtrise. C’est peu après que j’ai été admis au brevet technique. Equipé de ce bagage, j’ai été affecté à l’état-major des armées à la SCOMAA (Section centrale d’organisation et méthode et d’automatisation administrative). Celle-ci m’a inscrit à un cours d’informatique au ministère des Finances. Au bout du compte, cela m’a amené à prendre contact avec l’ASCVIC par le biais de Jaqueline Mathonnière, qui m’a fait connaître une place à prendre dans une caisse de retraite AGIRC-ARRCO, dont je suis devenu plus tard directeur-adjoint. J’ai effectué dans cet emploi une quinzaine d’années. Je l’ai quitté en 1989.







Cet article écrit par Jacques MILVIZAJE (pseudo) est, en fait, le condensé d’un bilan effectué sur la promotion « Souvenir de Napoléon » entre mars et mai 2020. Il a pour ambition de montrer la diversité des emplois tenus sur le thème : Servir autrement.


Bonjour, comment vous présenteriez-vous ?

Saint-cyrien de la promotion « Souvenir de Napoléon » (1968-70), après avoir quitté la vie militaire (quelle qu’en ait été la raison), j’ai été conseiller d’Etat, sous-préfet, préfet, attaché de préfecture ou fonctionnaire territorial. J’ai servi dans de nombreux ministères : défense, affaires étrangères, environnement, finances, agriculture et aussi à la préfecture de police de Paris.

Investi dans la sécurité en général, vous m’avez peut-être croisé à la DST (Direction de la Sureté du Territoire) ou comme directeur de la sécurité de la BRINKS. A la tête d’une société spécialisée, j’ai conseillé beaucoup d’entreprises confrontées à des soucis de sécurité comme je l’ai été au centre nucléaire de La Hague.

 Au centre international de déminage, à Genève, je représentais la France. Mandaté pour d’autres missions par les Nations unies, j’ai été envoyé en Somalie et à Haïti. Les ministères allemand et français de la défense, quant à eux, ont apprécié mes compétences d’interprète.

Très respectueux de l’ordre national créé par Napoléon 1er dont ma promotion évoque le souvenir depuis 1969, j’ai assuré le secrétariat général de la Légion d’honneur.

 Que ce soit dans les bureaux d’études, à la DGA (Délégation Générale à l’Armement) ou de façon plus feutrée dans le domaine de l’intelligence économique, j’ai participé à cette guerre qui ne dit pas son nom. J’ai œuvré au sein de la COFRAS (Compagnie Française d’Assistance Spécialisée) ou dans des grandes entreprises qui ont porté haut la renommée de la France, chez TECHNIP en Russie, TRT en France et au Maroc, France-câbles Radio en Afrique, THOMSON (puis THALES) au profit du programme TIGRE et d’ARIANE V, chez IBM. Français, j’ai su relever le défi de l’efficacité et de la compétence dans une PMI américaine de logistique au profit, en particulier, d’AIRBUS et de DASSAULT. Une PMI spécialisée dans la piézoélectricité a apprécié mon diplôme d’ingénieur de la « Spéciale ».

 Bien évidemment, j’ai fréquenté des centres de recherche, que ce soit au CNET, à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherche Aérospatiale). Spécialiste reconnu en cryptologie, j’ai fait bénéficier la NASA (7) de mes talents. 

Tout officier est formateur, j’ai donc enseigné dans les lycées, à l’université et dans les écoles d’ingénieurs. J’ai dirigé des centres de formations industriels mais aussi à l’AFPA (Agence Nationale pour la Formation des Adultes) ou dans l’automobile. J’ai mis en place des politiques de formation au profit des régions françaises.

La réputation d’un pays ne se construit pas exclusivement autour et grâce à son industrie, je me suis donc lancé dans les « finances », j’ai été « trader », représentant de la banque LAZARE en Afrique. Gastronome, j’ai créé et dirigé une entreprise d’import-export afin de promouvoir les grands vins français.

Sportif dans l’âme, j’ai dirigé le Racing-Club de France, mais aussi entraîné des chevaux de course et géré ce monde hippique à France-Galop. J’ai été président d’un aéroclub mais aussi président d’une société en charge d’un grand golf.

Homme de communication, un grand quotidien m’a choisi comme correspondant. J’ai animé STATCO. Plus simplement, j’ai dirigé le « Journal Officiel », oui, le « journal officiel ».

 Passionné d’histoire et de culture, j’ai été vice-président du MUCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée). J’ai remué « ciel et terre » pour que soit réalisé un chemin de « randonnée mémorielle » (France-Espagne) et le musée qui s’y rattache. Au Canada, au niveau des huit régions, j’ai fait la promotion du chemin de Saint-Jacques de Compostelle avec toutes les retombées spirituelles, économiques qui en découlent. J’ai été très sollicité pour prononcer des conférences à caractère historique ou géostratégique que ce soit en France ou à l’étranger.

Mais, qui êtes-vous vraiment, homme aux mille visages ?

Tout simplement je suis un saint-cyrien qui sert son pays autrement et qui continue à le faire, que ce soit dans le domaine public, dans les mairies, les intercommunalités et dans de multiples associations (militaires, à caractère social, sportives, culturelles, etc.). D’ailleurs, je ne vous ai pas tout dit, les années passant, ma mémoire me fait parfois défaut. Je sais pourtant que j’ai encore beaucoup d’autres visages. Que tous les visages que j’ai oubliés veuillent bien m’en excuser.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette diversité ?

A la « Spéciale », on nous a appris à nous adapter alors, on s’adapte !

 

Ce texte est dédié à la mémoire du général Yves de Sesmaisons qui fut notre chef de bataillon à Saint-Cyr pour lequel nous avons toujours eu une très grande et respectueuse admiration. En conclusion d’une de ses lettres qu’il nous adressait, il disait :

« Comme les grenadiers de la garde impériale, vous continuerez à avancer, un jour on pourra dire de vous : «  ils grognaient mais marchaient toujours » ».

Jacques MILVISAJE est entré à Saint-Cyr en 1968. Après une carrière militaire toutes armes plus ou moins longue, il s’est investi dans de multiples activités. Soucieux de servir son pays, il a voulu porter témoignage de la diversité des emplois qu’il a pu tenir grâce aux facultés d’adaptation qu’il a acquises à l’ESM de Saint-Cyr. Septuagénaire, Jacques MILVIZAJE s’est retiré dans sa région natale, entouré de sa  famille et de ses amis.  Si vous souhaitez le contacter, écrivez à Pierre Quesne qui est  de sa promotion et qui transmettra !





 


Général Michel PERRODON -Promotion « Souvenir de Napoléon » 1968 – 1970


Témoignage de Michel Perrodon qui a passé neuf ans et demi à l’Institut des hautes études de défense nationale.

 

Ce témoignage risque de ne révéler aucune nouvelle carrière originale…mais pour y avoir passé près de dix ans de ma vie post « militaire », je m’y attaque afin de mettre en valeur une institution française, finalement assez peu connue, et c’est bien dommage ! Les militaires la connaissent lorsqu’ils ont la chance d’être désignés pour le CHEM ou une session régionale…mais ce qui serait plus intéressant, c’est que ce soit une véritable révélation pour le monde civil ! Pour ma part, j’ai pu faire une comparaison avec le cours équivalent des Britanniques, le Royal College of Defence studies, que j’ai fréquenté pendant un an. Ce dernier se déroule à Londres et réunit environ quatre-vingts « members » : 50% de britanniques et 50% d’étrangers du grade de général ou de colonel. Les étrangers sont tous militaires, mais un tiers des Britanniques sont des civils issus de divers ministères régaliens. En France, notre principale session, appelée « session nationale », est bien plus ambitieuse : on y retrouve des officiers supérieurs, quelques hauts fonctionnaires issus de tous les ministères concernés par des problèmes de défense dans toutes les acceptions du terme : intérieur, économie et finance, bien sûr, mais aussi santé ou culture. Encore plus remarquable, tous les acteurs indépendants de la société, représentent un tiers d’une session : on y retrouve ainsi des professeurs, des avocats, des chirurgiens, des hommes d’affaire, des prêtres ou des pasteurs, des journalistes…et pourquoi pas des sénateurs ou des députés. On comprend ici quelle est l’idée maîtresse de l’institut : faire se côtoyer pendant une année scolaire un condensé de la société, celle qui est ou qui sera en quelque sorte en charge du bon fonctionnement de notre république. Chacun est prié de participer de manière active aux sujets traités en sachant écouter et comprendre ses collègues. Les auditeurs civils, en particulier, sont sélectionnés sur ce critère…les « touristes » ne sont pas admis !                      

Alors, on peut se demander à quoi cela peut-il servir ? La réponse est évidente : il s’agit de faire disparaître les préjugés qui empêchent d’avoir des idées claires sur les grands sujets. En particulier, comprendre que la défense est un vaste domaine qui va bien au-delà de la défense militaire. En effet, l’économie dans toute son acception (énergie, transports, espace etc…) y compris l’intelligence économique est un élément majeur de la défense. C’est la raison pour laquelle, cet institut se trouve sous la houlette du Premier ministre. On pourrait même y ajouter la culture, ces racines profondes sur lesquelles sont bâties les sociétés. Grâce à ses multiples sessions : régionales, internationales de tous types, auprès des jeunes, cet institut touche chaque année des centaines de cadres ou de futurs cadres qui sont ou qui seront aux commandes de notre pays. Les anciens de l’IHEDN forment ainsi une « réserve » de citoyens motivés, souvent très actifs. Cet ensemble est en perpétuelle recherche d’amélioration de ses stages. Par exemple, les conférences mensuelles de très bon niveau, les « lundis de l’IH », sont présentées en direct dans une trentaine de villes de province et enregistrées sur le site de l’institut.

Pour finir, j’aimerais avoir convaincu le lecteur, qui découvrirait ce domaine que sous l’impulsion de l’amiral Castex, la France s’est dotée dès 1947 d’un outil incroyablement efficace en matière de défense. 

Pour ma part, nourri durant trente-sept ans des concepts de la défense militaire, j’ai eu la chance de mieux comprendre, au poste de responsable de sessions durant ces années, les vulnérabilités de notre pays dans tous les domaines. Lors de mes dernières années à l’institut j’ai pu être au contact avec ce monde civil qui peut se passionner pour les problèmes de défense. Souvent attaqué, car réputé coûteux, au moment où l’Etat cherche à faire des économies, il serait lamentable de se priver d’un tel outil. Comme chacun le sait depuis Platon, la défense n’est pas seulement dans la qualité ou le nombre des matériels, mais plutôt dans la volonté de ses défenseurs. Il est donc impératif que les élites soient imprégnées de cet « esprit de défense », pour que l’on puisse compter sur la résilience du citoyen, quand vient le danger.




 

Corentin PFORTNER-  Promotion « Général Loustaunau-Lacau » (16-19)

Servir autrement : Hors de l’armée point de service ?

Qui ne se remémore des soirées passées à la lueur d’une chandelle vacillante ânonnant les phrases de la « Définition de Saint-Cyr par un grand ancien » ? Après Saint-Cyr commence la vie d'officier, […] elle prend tout son prix pour ceux qui comprennent le sens élevé de ce vieux mot de langage militaire : « Servir ». Ce mot mis en exergue et venant conclure la citation semble contenir à lui seul tout le sens du rôle de l’officier. En se penchant sur l’étymologie du substantif officier, le Dictionnaire de l’Académie française nous fournit l’origine suivante : emprunté du latin médiéval officiarius, « personne pourvue d’une charge », lui-même dérivé de officium, « service, fonction, devoir ». Ainsi, cela vient confirmer que le service est bien la vocation intrinsèque et fondamentale de l’officier.

Si le service est au cœur de l’action de l’officier, qu’est-ce au juste servir ? En poursuivant dans le Dictionnaire de l’Académie française, la première définition qui est donnée du mot « servir » est : s’acquitter de certains offices, de certaines obligations envers une personne ou une collectivité. Servir le roi. Servir son pays. Servir l’État. Servir l’État convient au cas étudié et on peut noter que cette acception du mot « servir » entre en parfaite concorde avec le « Statut général des militaires » disposant de façon liminaire que l'armée de la République est au service de la nation. Dans la suite de ce texte juridique, on peut noter 147 occurrences du mot « servir » avec ses dérivés « service » et « servant », montrant ainsi la prééminence de cette notion. Par ailleurs, il est également notable l’importante récurrence de ce terme dans les devises de l’armée. Le militaire en tant que serviteur de son pays, est un concept que l’on retrouve également dès le premier article du code du soldat (aussi bien dans la version de 1999, que celle nouvellement en vigueur au sein de l’armée de Terre). Le service a donc une place centrale et prééminente dans l’activité militaire et est même la raison d’être des hommes et femmes s’engageant au sein des forces armées.

Le service est-il pour autant l’apanage des militaires ? En reprenant la célèbre boutade d’Hugo dans ses Souvenirs personnels, ce dernier nous rappelle qu’il y a des hommes qui sont nés pour servir leur pays, d’autres qui sont nés pour servir à table. Bien évidemment, les militaires ne détiennent pas le service en exclusivité. Effectivement, les hauts fonctionnaires sont de coutume surnommés les grands serviteurs de l’État, et dans le fond, sans que la cause soit forcément nationale, tout le monde est appelé par sa profession à servir une instance, un groupe, un principe, En exerçant une activité, on le fait toujours pour servir quelqu’un ou quelque chose, ne serait-ce que son propre intérêt. Cette notion de service est ce qui donne un sens à notre action, et vu le temps passé à travailler dans une vie, autant que cela serve. Nous sommes effectivement tous appelés à exercer une profession, rappelons que le mot allemand servant à désigner un métier est Beruf signifiant lui-même l’appel, la vocation. Cela nous ramène aussi à la dernière parabole relatée dans l’Évangile selon saint Matthieu (ch. XXV, v. 14-30), celle des talents, où chacun est appelé à faire fructifier ses compétences afin de les mettre au service de la communauté. C’est cette fameuse parabole qui tourmente l’esprit du commandant, dans Le Crabe-tambour de Schoendoerffer, qui rongé par son cancer s’adonne à une forme d’examen de conscience. Et tout le paradoxe réside finalement dans le fait que c’est en servant qu’on s’accomplit véritablement en tant qu’homme, et que finalement on arrive à s’émanciper en affirmant son autonomie au monde, tel que l’établit Hegel dans La Phénoménologie de l'esprit à travers la dialectique du maître et de l'esclave. Ainsi, le service est intrinsèquement le propre du genre humain quel que soit l’activité exercée.

Et pour autant est-ce que le militaire exerce la même forme de service que l’ensemble des autres professions ? La présence d’une forte particularité dans l’exercice du métier des armes est à peu près évidente. En revenant à l’exposé des sujétions de cette profession, le « Statut général des militaires » nous rappelle que l'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême […]. C’est bien cette notion de sacrifice qui donne toute la particularité. En effet, il y a une idée de mise en jeu de l’intégrité physique, voire de l’existence, dans l’accomplissement du devoir ordinaire. En acceptant de mettre sa vie en péril, forme suprême du service de la nation, le service se transforme en abnégation, car il renferme en lui un engagement total et inconditionnel. Cette inconditionnalité est liée à l’acceptation de l’irréversible, faisant de la mort une hypothèse de travail. Accepter de s’effacer, jusqu’au sens physique du terme, devant son pays, pour en garantir sa protection et sa liberté, voici ce à quoi se prépare et accepte le militaire. Cette force et profondeur d’engagement au profit d’une cause transcendante qu’est la patrie donne toute la particularité au service qu’exerce le militaire et fait toute la noblesse de son action. Et par là, les militaires demeurent les derniers poètes de la gratuité absolue (Lartéguy).

Horace dans ses Odes exhorte les jeunes Romains au sacrifice : Dulce et decorum est pro patria mori (il est doux et honorable de mourir pour la patrie). Et effectivement, service et sacrifice vont de pair. De fait, servir c’est sacrifier de son temps et de son énergie quelle que soit l’activité exercée, certes à des degrés différents en fonction de l’investissement consenti et de la nature de cette activité. Toutefois, les militaires sont appelés à servir autrement car ils acceptent de mener ce sacrifice jusqu’au bout et les récents décès sur l’opération Barkhane sont là pour nous rappeler que cet état de fait est toujours bien présent et non un vague et abscons postulat.

 


Jean Pierre RICHARD -Promotion « Souvenir de Napoléon » (68-70)

 

 

Servir autrement, autrement dit servir toujours. D’où vient-il ce sens de l’intérêt général qu’accompagne le don de soi sinon de notre formation d’officier à Saint-Cyr et quel que soit le lieu et le domaine de l’action : l’institution militaire, le milieu civil etc…et toutes les formes de bénévolat ? A quel moment nous est-il révélé ?

Pour ma part, je situe cette révélation quand, frais émoulu de l’ESM je suis retourné sur les lieux de mon enfance à Mende en Lozère : un quartier périphérique de la ville et à ses confins une ferme accrochée à la montagne où « subsistaient » à l’époque un agriculteur d’une quarantaine d’années et ses vieux parents. Avec la cruauté propre à l’enfance et la complicité de hardis compagnons, j’avais beaucoup tourmenté ce brave homme lors de raids dévastateurs dans l’étable, le poulailler ou encore le verger, le potager ou l’herbe tendre prête à faucher au printemps.

J’ai donc osé monter jusqu’à la ferme. L’homme savait par mon père que j’entrais dans la carrière. Je l’ai trouvé dans la cour prématurément vieilli, le regard fixé sur la ville en contrebas. Tandis qu’il me remettait, je l’ai salué et lui ai tendu la main ; mais avant de me tendre la sienne il a retiré sa casquette.

Cette scène est devenue pour moi allégorique. « A genoux les hommes, debout les officiers  » dans la nuit de Coëtquidan, c’était beau, grand et solennel. Mais dans l’adoubement inconscient de ce paysan se découvrant devant le jeune officier que j’étais j’ai ressenti celui de la nation et à travers cet humble citoyen celui de la république.

Cette onction populaire m’obligeait et toute ma carrière j’ai essayé de mériter ce geste.




Jean ROCHE-promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970   

 

TEMOIGNAGE SUR MA DEUXIEME CARRIERE DANS L’INDUSTRIE

 

En 2003, je quitte le service «par anticipation et sur ma demande» selon la formule consacrée. J'ai 55 ans, et je me sens (modestement!) au maximum de mes capacités: pas question de me replier sur mes terres, je cherche et je trouve un poste dans l'industrie de défense.







Le saut dans l’industrie:

Je quitte le service le vendredi après-midi, et le lundi matin, je pars à Londres : je ne suis pas passé par mon nouveau bureau, tout a été traité par mail avec ma future assistante. Mon chef de service est anglais et ne parle pas un mot de français. Je passe la semaine en Angleterre et en Ecosse, pour visiter les centres d’entraînement aéronautique (avions et hélicoptères) dont je vais être responsable. Finalement, mon PDG, que je retrouve le lundi suivant en banlieue parisienne, change d'avis et me charge de monter des projets de formation pour les armées françaises: vaste programme, car les mentalités chez nous ne sont pas mûres (du tout!).

Je vais néanmoins faire mon trou, et monter en deux ans une équipe de huit personnes. Au total, je passerai plus de onze années dans l'industrie: expérience très enrichissante, rythme de fou, déplacements incessants. Le patron, flairant un coup «stratégique» m’a même envoyé un jour en Australie toutes affaires cessantes…pour rien! Quand je rentrerai huit jours plus tard, il me dira, alors que je chiffre le coût du déplacement et des journées d’ingénieur : «Pas grave, Jean! Les voyages forment la jeunesse»! (sic). Ce «coup de doigt» deviendra par la suite impossible : ces déplacements, surtout à l’étranger, seront systématiquement encadrés et limités, et le pilotage des finances deviendra drastique.

Je vais quitter en 2014 car le rythme de programmes d’armement (Tigre, NH 90, Scorpion, A 400 M…) va connaître un creux de plusieurs années et je n’aurai plus grand chose à faire.

Que retenir?

Nous (les milis) avons des idées reçues sur le secteur civil (réactivité, efficacité, souplesse des procédures, souplesse financière, rapidité de décision, prise de risques…) : en fait, «la boîte», comme chez nous, est à l’image du chef. On en trouve de remarquables, et aussi, parfois, des erreurs de casting.

Le «général» qui débarque est regardé souvent comme une bête rare et les idées reçues ne manquent pas : au bout de quelques mois, des jeunes femmes avec qui je travaille souvent (juristes, finances, commerciales) me confient qu’elles s’attendaient à voir «un général de l’armée de Terre», comprenez vieille baderne, psycho-rigide, pète-sec…et sans doute limité!

Le plus important: «le civil» nous connaît mal, mais a généralement une haute idée de l’institution («ah!! tu sors de Saint-Cyr! et tu as fait l’Ecole de guerre!! et tu as fait des campagnes!!!»). Nous gagnons à être connus, d’autant plus que nous sommes absolument indispensables pour faire comprendre le besoin opérationnel qui est presque toujours totalement inconnu de l'industriel.

Enfin, peu importe le parcours et les références: même si les «peaux d’âne» ont leur prix, nos qualités du mili sont d’abord: capacité d’adaptation, gestion d’équipes (nous appelons ça «commandement»), conduite de projets, initiative… En cours de route, j’ai perdu quelques illusions et idées reçues sur l’industrie (et sur la Défense également) : se frotter aux autres peut amener parfois à la modestie…l’une comme l’autre ne méritant « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité », chacune a ses forces et ses faiblesses.   

 



Col (ER) Claude Rodier- Promotion « Grande armée » (1981-1983)

Servir autrement avec audace

Après un parcours complet de vingt-sept années passionnantes dans l’institution militaire avec la satisfaction d’un commandement de régiment (1)j’ai décidé en 2008 à quarante-sept ans de me lancer dans le grand bain de l’entreprise. Je souhaitais en fait me prouver que j’étais capable de relever de nouveaux challenges dans un environnement différent. Mes différentes activités se sont dès lors succédées depuis avec succès grâce à notre socle d’officier (on parle de soft skills aujourd’hui) et à une bonne dose de créativité, d’audace et également d’engagement. 

J’ai ainsi intégré en 2008 la société Geodis Calberson (société de transport logistique) comme directeur d’agence, et ce grâce au soutien du conseiller militaire de Geodis le GDI(2S) Le Goff. J’y ai fait mes classes et mes preuves sur des plateformes logistiques et surtout à la tête de l’équipe de gestion de la crise H1N1 de 2009. Sur cette véritable mission opérationnelle, j’y ai utilisé nos outils (MEDO) mais également notre vision du dialogue de commandement et de la cohésion d’équipe. J’ai pu mettre en application toutes nos compétences (maîtrise de la planification en temps de crise, animation d’une équipe, communication) pour y mener avec succès tambour battant la rédaction du plan de continuité de l’activité, que j’ai véritablement conçu comme un véritable plan d’opération. 

Animé du désir de transmettre mes connaissances, puisque j’avais déjà été cadre professeur au CSEM, j’ai ensuite exercé comme consultant formateur en management au profit d’écoles de commerce (TBS Toulouse, …) pour enseigner la MEDO avec un support pédagogique ludique. Parallèlement à ces actions de formation, j’ai créé la société Objectif collectif avec mes anciens sous-officiers du 1er RTP, société qui proposait aux entreprises (Airbus, Veolia, Axa, …) des stages team building autour de thèmes militaires. 

Enfin, j’ai été ensuite employé par la société suédoise SAAB (2), d’abord  comme consultant puis quatre ans ensuite en tant que directeur des ventes France. Ce fut l’occasion de contribuer avec une très grande autonomie au développement de cette société du secteur défense assez méconnue en France. J’’ai contribué à multiplier entre autres les projets de collaboration avec les entreprises françaises du secteur Défense, les opérations d’influence au bon niveau (parlementaires, états-majors) pour mieux faire connaitre SAAB, et des partenariats stratégiques gagnants avec des sociétés françaises pour des appels d’offres importants.

Enfin après avoir tourné la page de ces six années passionnantes, j’ai décidé de me consacrer en 2018 à accompagner comme coach, après une formation au coaching, les cadres dans leurs transitions professionnelles. J’ai d’ailleurs coaché des officiers en reconversion, en lien avec l’ASVIC. 

Douze années passionnantes, souvent trépidantes, avec une grande variété de fonctions qui ont répondu à mes attentes, à ma soif de réalisation personnelle et à ma recherche de défis à relever avec des contacts toujours très intéressants. Ces différentes fonctions m’ont beaucoup apporté en servant avec audace, dynamisme et engagement ; ce qui est je le pense dans nos gènes d’officier. 

L’heure n’est d’ailleurs pas venue (viendra-t-elle d ’ailleurs un jour ?) pour moi de poser le sac, puisque je me projette également vers de nouvelles fonctions de commissaire enquêteur d’enquêtes publiques, en espérant cette fois une inscription début 2021 à la liste d’aptitude pour ces fonctions.  


  1) 1er régiment du Train parachutiste (Toulouse) 

  2) SAAB en France : ciblerie, radars de détection Girafe, systèmes pour les contrôleurs aériens, électronique embarquée… et non pas des automobiles !




 

François SANTUCCI -  promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970 


Avril 1995- Juillet 2001 :


 OPIEVOY ( Office public interdépartemental Essonne Val d'Oise Yvelines), la ligne de mon CV la plus éloignée de mon parcours professionnel, mais la durée la plus longue dans le même poste.

 

Le département des Yvelines, dont un des vice-présidents vient d'accéder à la direction de cet Office HLM, recherche son directeur général : il doit avoir une double expérience du tissu administratif à tous les niveaux et de la gestion d'entreprise, cet organisme qui dépend de trois départements, se gérant comme une entreprise privée.

En accord avec le président, trois objectifs majeurs sont définis :

  • remettre en ordre les finances de l'Office, qui accusent un déficit de 40 MF sur l'exercice 1994 et en aggravation constante sur les dernières années ;
  • restructurer et réorganiser l'Office, pour améliorer sa performance sociale ;
  • augmenter le parc de logements (environ 30 000 en 1995), en particulier par des constructions neuves.

 

 Fort de mes expériences dans l'administration préfectorale et financière, puis de la direction d'une entreprise, dont j'étais l'actionnaire principal, j'ai pu réaliser ces objectifs en six ans, avec, en prime, une certification IS0 9000 pour l'ensemble de l'activité et le passage en OPAC (Office public d'aménagement et de construction).

 

Lorsque je quitte mon poste en 2001, le logement social n'étant pas mon secteur professionnel naturel, le bilan est positif :

  • un résultat bénéficiaire de plus de 50MF pour l'exercice 2000 ;
  • un office au personnel réduit de 1180 salariés à 850, organisé en trois directions régionales, dix-huit agences et cinq directions fonctionnelles, rassemblées dans un groupe HLM comprenant un office, deux sociétés anonymes, deux associations et une fondation d'utilité publique) pour un budget annuel de 2,5MMF – environ 400M€ ;
  • un parc HLM porté à 52 000 logements, par quelques constructions nouvelles, mais surtout l’absorption de deux sociétés anonymes et de parties du patrimoine de divers organismes de logement social, à la demande de divers ministères.

 

Certes, au sein de ce bilan, subsistent quelques insatisfactions :

  • la découverte de malversations anciennes, mais particulièrement difficiles, voire impossibles à supprimer ;
  • des pressions juridiques, administratives ou politiques,  certes inévitables dans la vie de ce type d'organisme, mais qui néanmoins, entravent la bonne marche de l'institution et limitent l'efficacité d'une gestion ;
  • l'arrivée des 35 heures pour un personnel très enthousiaste, mais pour qui le nouvel environnement social a été un facteur de démotivation certain.

 

Au total une expérience passionnante et particulièrement gratifiante pour :

  • la liberté de manœuvre et de décision dont j'ai bénéficié, le président de l'Office étant député- maire et vice-président du conseil général, s'ajoutant à  des fonctions politiques non électives de très haut niveau ;
  • la satisfaction des progrès significatifs accomplis par l'organisme ;
  • et par-dessus tout, le sentiment d'avoir pu améliorer la qualité de vie des locataires de l'Office dans toute la région parisienne, y compris certaines banlieues très défavorisées.

 

 


PHONGSAVATH Thonglith/ Savatier François ( 1973-1975 ) promotion « Maréchal de Turenne »  (1973-75)




Originaire du Laos, je m’appelle PHONGSAVATH Thonglith,  né en  1950 à ban Khiri Luang Prabang où j’ai passé ma jeunesse.

Arrivé en 1973 j’ai reçu mon casoar avec la Turenne.

Suite aux événements survenus au Laos en 1975 j’ai demandé l’asile politique et à servir dans l’armée française à titre étranger. Naturalisé par décret du 7 novembre 1978, je suis légalement autorisé à m’appeler François Savatier.  J’ai eu un grand honneur de servir dans la Légion étrangère et dans l’arme et le service du Génie. 

Après vingt-sept ans de bons et loyaux services j’ai demandé à bénéficier de l’article 5 pour ma retraite en avril 2004.  Depuis je me suis installé à Montjean-sur-Loire (département du Maine et Loire) pour pouvoir pratique ma vieille passion la sculpture sur bois. 

Très jeune j’ai appris à dessiner et à sculpter sur bois avec mon oncle Chane  BOUN THANH dessinateur et sculpteur réputé à Luang Prabang. 

En apprentissage et en aidant mon oncle, j’ai participé à réaliser quelques portes des pagodes ( Vat Parkhane , Vat Xieng thong vat Khiri ) de la ville classée patrimoine mondiale de l’UNESCO en 1995.

Quand mes enfants étaient petits j’ai pu les initier aux dessins. Vanyda Savatier aînée de mes enfants qui a fait l’école des Beaux-arts de Tournai en Belgique, est devenue une auteure et dessinatrice connue de la BD style manga à la française. La transmission du goût de l’art et l’âme d’artiste est assurée. Elle a même réalisé un album intitulé « Un million d’éléphants ».

Pour me prouver que je suis capable de faire et pour montrer mon talent de sculpteur aux membres de ma famille et aussi pour montrer l’art laotien au peuple français et aux laotiens expatriés qui sont en France que je me suis inscrit pour la première fois au symposium de la sculpture monumentale à Montjean-sur-Loire en 2005. Ma première œuvre c’est la tête de Bouddha qui est désormais installée au panorama de la commune. J’ai participé à plusieurs reprises aux symposiums ce qui m’a permis d’avoir des commandes telles que le Pélican pour l’emblème du vignoble de la commune voisine ou le héron cendré pour un passionné de cet oiseau. Plusieurs de mes œuvres réalisés aux symposiums sont exposés en permanence sur le parcours pédestre de ma commune. (Tête de Bouddha ; tête de dragon ; le lièvre et la tortue ; le dragon entier etc…

Je travaille aussi sur commande. Les personnes souhaitant avoir une œuvre originale et unique peuvent me contacter :  francoissavatier25@gmail.com


 Olivier Sillard Promotion « Général Lalande » (96-99)

De l’entéléchie

« Energie agissante et efficace » « par laquelle l’être trouve sa perfection ». Voilà comment le wiktionnaire définit l’entéléchie. Celle-ci permet, selon la tradition aristotélicienne, la « réalisation de ce qui était en puissance ». Peut-on trouver meilleure approximation du jus qui anime le saint-cyrien, de sa capacité à élaborer une « vista », à la partager et à fédérer des énergies disparates pour la mettre en œuvre au sein d’une organisation, quelle qu’elle soit ?

Bon client dès le 3e bataillon des dégageantes rennaises, ayant joyeusement goûté ce « milieu où la camaraderie est plus développée qu’en aucun autre et où elle fait le charme de l’existence », les choix disponibles pour moi en sortie de Spéciale s’en sont trouvés drastiquement réduits. Ainsi ai-je servi comme lieutenant chez les « culs-de-plomb », à proximité du territoire des « malgré nous », dans un régiment aujourd’hui dissous. L’occasion tout de même de mettre en place un commandement « au geste et à la voix », notamment en mode « SML », de vaincre ma timidité et d’assumer progressivement une posture de chef généraliste mais fédérateur, entraînant en les redoutant de moins en moins des subordonnés plus âgés, plus expérimentés et jalousement attachés à la maîtrise d’une technique parfois obscure et souvent rébarbative. L’occasion aussi de réaliser d’une part que la posture générale de notre système de défense encore globalement maintenue « face à l’Est », malgré la chute du mur de Berlin, ne me fournirait pas l’adrénaline quotidienne attendue, tandis que d’autre part la question du « sens »   et de la légitimité des nouvelles opérations extérieures, ardemment souhaitées pour offrir à une armée en cours de professionnalisation l’occasion de « se réaliser », se posait toutefois déjà avec acuité. J’ai alors trouvé ma « petite piste » avec la BSPP, pour un temps, celui de capitaine. Engagement et action au quotidien, toujours le commandement « au geste et à la voix », pérennité et clarté de la mission quelle que soit la teinture du politique en place. Le pain fut bon. Mais bien vite, trop vite, sonna le glas et l’heure de remettre le fanion, avec comme perspectives d’abord la préparation de ce qui n’était pas encore redevenu l’Ecole de guerre et ensuite ce qui m’apparaissait comme un long tunnel avant d’envisager « décaler » derechef pour respirer enfin de nouveau la fumée, et pour un temps seulement, avec une vraie mission de commandement et non un simple « appui technique »… 

« Saint-Cyr est par excellence l’école de la jeunesse où l’on entre sans calcul d’ambition ni d’intérêt parce qu’on a soif de grand air et de mouvement, qu’on a le goût de l’action et une âme prête à se dévouer à la grandeur de la Patrie. » Si cette définition « d’un grand ancien » constituait vraiment l’ancrage de ma vocation à servir comme officier, l’horizon m’apparaissait désormais bien sombre de ce point de vue. Vint alors naturellement, telle la chèvre de M. Seguin, l’envie de partir à la recherche de verts pâturages et d’action, d’autonomie voire d’indépendance, loin des méandres d’une administration par trop « dirigée » laissant peu de place à l’autodétermination.

Et le pékin m’ouvrit les bras : ce fut le monde de la « Santé ». J’y retrouvais « l’odeur des brebis », le commandement au geste et à la voix et l’esprit de service. Et un peu plus de place, probablement, pour exprimer une forme de créativité. Le sexe et le pelage des agneaux avaient certes changé ; pas la mission du berger qui devait toujours paître son troupeau. Les mots se sont inversés. « Administration », mot autrefois honni, « strassique » et associé aux rats, est devenu synonyme de « commandement » au sens noble du terme. « Opérationnel », ce mot chéri que je répétais à satiété aux recruteurs potentiels comme garant à mes yeux d’une personnalité engagée provoquait systématiquement chez eux une moue étrange car désignant dans leur esprit la partie technique du spécialiste courte vue, apanage de la vulgaire piétaille sans recul ni perspective. « Commander » était devenu vulgaire, il fallait désormais « manager », c’était plus moderne, plus « aware ». Il fallut donc réapprendre un jargon, « civilianiser » les expressions et les références, adoucir le ton de la voix, développer le sens de l’écoute. Maîtriser les rapports complexes  mais passionnants du « patronat » avec les « instances représentatives du personnel ». Apprendre à convaincre un conseil d’administration composite, appréhender les enjeux financiers et la bonne administration d’une entreprise. Découvrir les grandes lignes du droit social et du droit des affaires. Passer du coq à l’âne, de la réflexion sur les enjeux stratégiques à l’accompagnement du quotidien. Mais, finalement, une fois admis le changement de paysage induit par la transhumance et la plus grande autonomie du troupeau dans les alpages, liberté appréciable pour le berger, c’est toujours la même entéléchie qui coule !

 


André SOLANA Promotion « Général de Gaulle » (70-72)

Septembre 2002 : dès mon retour de Colombie, affecté à l’EMA comme officier traitant de l’Amérique latine, je rencontre mon orienteur à la direction du personnel afin de planifier mes six années de fin de parcours sous l’uniforme. J’ai servi dans l’artillerie, avant d’intégrer le cadre spécial afin d’y exercer des emplois correspondant à ma qualification « renseignement – relations internationales ». Ces emplois m’ont comblé : divers postes à l’étranger, surtout en Amérique latine ainsi qu’à Paris où j’orientais nos attachés de défense et exploitais leur production. Ce va-et-vient renforçait mon intérêt et mon expérience. J’entendais poursuivre jusqu’à la limite d’âge, qui me laissait le temps d’effectuer un dernier séjour outre-Atlantique. Or, mon orienteur me laissa peu d’espoir de quitter à nouveau la métropole. Instantanément, je me sentis incapable de limiter mon compartiment de terrain aux moquettes de l’îlot Saint-Germain et décidai d’entrer à l’ONU. J’ignorais alors qu’il faut un miracle pour réussir une telle reconversion, car chaque poste suscite des milliers de candidatures. Mais le ciel fut favorable : le terrorisme commençait à cibler l’Organisation, la contraignant à renforcer le département de la sûreté et de la sécurité (UNDSS) et le manque de francophones avait entraîné de nombreuses pertes, notamment au Congo, où ni les belligérants, ni la population ne pratiquaient l’anglais. Il y fallait d’urgence un retraité récent, français, pour s’occuper des agences onusiennes (pas des casques bleus) et des ONG qui acceptaient de travailler au milieu du conflit d’Ituri, où baptême du feu et horreurs de la guerre faisaient partie du quotidien.

Devenu fonctionnaire de l’ONU, j’entrais dans un nouveau système de mutation qui, après trois ans passés au cœur saignant de l’Afrique, me ramena en équateur, en famille cette fois, comme en 1977, lors d’une première affectation dans ce pays andin, amazonien et pacifique (Galápagos). De mon expérience militaire, ce qui m’a le plus servi, c’est l’habitude de radiographier un pays, de « scanner » une situation, d’analyser les événements et de formuler des comptes rendus. Traiter avec les autorités locales, échanger avec la communauté internationale et la population en général, tout cela rappelle la mission « renseignement ouvert » des attachés de défense. Il s’agit aussi, bien sûr, au moment crucial, d’anticiper, de décider, d’engager sa responsabilité. D’autres affectations militaires ont diversifié mon expérience, en particulier : L’Unité française de vérification m’a fait connaître l’Europe orientale (surtout la Russie, puis la Slovénie et la Croatie dès les premiers jours du conflit, début juillet 1991) ; plus tard, une nouvelle OPEX m’a conduit au bureau de liaison avec les factions en Bosnie, au sein de l’OTAN, après les accords de Dayton.

En 2010, j’atteignis la limite d’âge de l’ONU (62 ans à l’époque). Pour autant, l’aventure ne s’interrompit pas : diverses agences me proposèrent des missions de quelques semaines ou quelques mois : UNDSS, FMI, Bureau international du Travail entre autres et surtout l’Organisation internationale pour les migrations, puis l’Union européenne. En définitive, je reste encore actif à 50% et, tant que la santé et mes employeurs le permettront, je compte bien continuer. La Covid-19 m’a ainsi surpris en Bolivie, interrompant une mission de cinq ou six mois, en attendant la prochaine occasion, qui peut se présenter d’un jour à l’autre.

Ces trois carrières (militaire, onusien, « consultant ») m’ont conduit à sillonner l’Europe, l’Amérique latine et caraïbe dans toutes ses diagonales ; j’ai également servi dans vingt pays africains et jusqu’à Timor, en Papouasie et aux îles Fidji. Ce n’a pas toujours été un petit bonhomme de chemin, mais du seul fait d’y avancer encore, je me sens privilégié. C’est pourquoi je fais bon accueil à ceux qui me consultent, en précisant que je n’ai aucun pouvoir d’embaucher qui que ce soit, mais je partage volontiers mes conseils et mon réseau vieillissant, qui peut éventuellement s’avérer encore utile


 

Général (2S) Bruno THÉVENON- promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-70.


Pris par l’engagement permanent au profit du pays, on en vient à oublier que le temps passe et que l’heure de la retraite va sonner. Mais, au bout de la carrière en 2004, à cinquante-sept ans, après trente-huit années de service, principalement dans le domaine opérationnel, et encore en bonne santé, il me fallait à la fois faire face aux besoins de financement des études supérieures de mes enfants, et exploiter le potentiel d’action disponible que je ressentais au profit de la société. En outre, dans cette phase de changement et d’incertitude liée à la recherche d’un emploi, il convenait de préserver l’équilibre de mon couple et de ma famille. Pour relever ce défi, je me suis impliqué initialement dans des activités de consultant, puis complètement dans le bénévolat.

Pendant cinq ans, j’ai opéré comme consultant dans le domaine de la défense pour répondre aux marchés de la DGA, (études amont à trente ans) ce qui a élargi mon spectre de connaissances et d’action, tiré de ma fonction d’officier général chargé de mission maintenance auprès du MGEMAT 

Parallèlement et progressivement, j’ai été sollicité pour divers engagements associatifs et bénévoles concernant le domaine de la défense, auxquels j’ai répondu positivement. Ainsi, j’ai assuré pendant six ans la fonction de délégué de La Saint-Cyrienne pour le Morbihan ; puis j’ai intégré le groupe IHEDN de Vannes, en tant qu'auditeur et ancien cadre des sessions régionales. Par ailleurs, je participe toujours à un groupe de réflexion sur les questions de défense et de société, piloté par un de mes anciens chefs.

 Dans la même période, en 2010, je suis devenu délégué pour le Morbihan de l’association de soutien à l’armée française (ASAF). Soutenir son armée, fédérer les citoyens autour d’elle, dont les élus et les parlementaires, m’apparaissait comme un challenge intéressant, contribuant ainsi au renforcement de la cohésion de la nation. Et au-delà, focalisé par la recherche d’une action concrète au profit des jeunes, j’ai lancé et développé depuis 2013 « les cafés stratégiques » dans les universités de Vannes avec l’appui d’un camarade de l’IHEDN. Cette activité bénévole fait intervenir un ancien ou actuel responsable dans la défense, à l’heure de midi, autour d’un repas froid ou d’un café offert par l’université, pour un dialogue direct avec les étudiants, quel que soit leur domaine d’étude, sur un thème de défense et souvent d’actualité. En effet, les enjeux de défense et les rapports de force dans le monde concerneront nos étudiants, force de demain, quel que soit leur métier.

Au bilan, ma motivation découlait et découle toujours de mon engagement initial dans l’armée, qui, en assurant ma préparation au concours de Saint-Cyr, en corniche militaire, n’avait permis d’embrasser cette carrière. Aussi j’avais, et j’ai toujours, le sentiment d’un juste retour des choses en restituant ce que l’on m'avait donné, à commencer par l’éducation reçue dans ma famille et le sens des autres(1).Dans toutes ces activités, j’ai connu et je connais encore de nombreuses satisfactions et un vrai plaisir d’apporter, avec les membres des différentes associations, une aide aux autres, notamment aux plus jeunes. L’altruisme n’est-il pas finalement une véritable voie d’accès au bonheur ? C’est je crois une valeur indissociable du métier du soldat et de l’esprit saint-cyrien, même si personne n’en a le monopole dans la nation. « Il est où le bonheur, il est où ? »(2).

 

1) Mais pas « la vie des autres »

2) Christophe Maé



Michel VIE- promotion « Souvenir de Napoléon » 1968-1970           


J’ai passé le deuxième concours en deux ans en mai 1968 juste avant les événements. Cela ne m’a pas étonné car j’avais consacré toute ma scolarité à innover dans de nouvelles structures d’enseignement comme mes camarades de ce que l’on a appelé le « baby-boom ».Tout changeait avec notre arrivée et cela a continué tout au long de ma vie : nouvelle scolarité à Coëtquidan, armée nouvelle pour la première génération à n’avoir pas connu de guerre, après ma démission première crise pétrolière, fin des « trente glorieuses », montée du chômage, nouveau management dans l’entreprise, révolution technologique suivie par la révolution informatique.

Ce sont les circonstances qui m’ont poussé à démissionner de l’armée. Blessé légèrement lors du stage « Officier TAP » j’ai repris mon activité trop tôt et je me suis fracturé gravement la cheville ce qui m’a rendu inapte au saut en parachute et au pilotage alors que je souhaitais partager mes temps de commandement entre la division parachutiste et l’ALAT.

N’étant pas d’une famille de militaire et ne sachant pas ce que les autorités pourraient me proposer comme carrière au rabais, j’ai décidé de tenter ma chance dans le civil. J’ajoute que je vivais mal l’ambiance antimilitariste autour de moi et si on ajoute la solde notoirement insuffisante par rapport à un cadre civil, j’ai pris la décision de démissionner.

Rien ne s’est passé comme prévu. Ma démission demandée en 1974 n’a été accordée qu’en 1976 par suite du décès du président de la République et de la réticence de l’état-major devant le nombre de démission de jeunes officiers.

Ayant servi dans l’escadron de livraison par air j’avais pris contact avec une entreprise qui me proposait de créer une agence de fret aérien à Toulouse. La crise pétrolière a différé ce projet j’ai dû réorienter ma carrière.

Officier du Train on m’a logiquement proposé un poste dans le transport. A l’époque les entreprises de transport étaient surtout familiales et comme je n’étais ni le fils du patron ni son gendre ne n’avait aucune chance de diriger l’entreprise.

Je me suis donc orienté vers la logistique et j’ai dirigé pendant cinq ans une filiale d’importation d’un groupe alimentaire.

Comme beaucoup de cadres j’ai voulu me mettre à mon compte et j’ai racheté une usine de Calissons à Aix-en-Provence. Je n’ai pas pu développer l’activité par manque de moyens financiers, et je suis passé de l’alimentaire à la sécurité sanitaire à Rungis. 

J’ai dirigé le service social et médico-social des Halles de Rungis pendant vingt ans. Je suis ensuite devenu directeur général d’un service de médecine du travail important dans le 94.

Ce que je retiens de ce parcours c’est que ma formation généraliste m’a permis de m’adapter à plusieurs milieux différents et que partout j’ai consacré au moins la moitié de mon temps à résoudre des problèmes humains, à gérer des hommes et des femmes, à les faire travailler ensemble en évitant les conflits pour obtenir une meilleure efficacité des équipes.

Au soir de ma vie je peux dire que je ne me suis pas ennuyé et ma formation au Prytanée militaire de La Flèche puis à Saint-Cyr m’a donné les connaissances, les bases morales et l’assurance pour affronter avec succès toutes les situations les plus cocasses comme les plus difficiles et les plus imprévues. J’ai pu faire face aux changements nombreux qui ont marqué les cinquante dernières années.

 



Par José FRERE- promotion  « CAPITAINE DANJOU » 71-73

A la lecture du dernier « Casoar », je me suis décidé à prendre la plume pour apporter ma contribution au dossier et attester des réelles capacités du saint-cyrien à se mouvoir dans d’autres mondes que le « mili ». Certes la pompe à Coët ne nous emballait pas mais il faut reconnaître que le niveau d’études nous confère une culture générale qui ne consiste pas seulement à « connaître les paroles » de chansons, aussi bien écrites soient-elles. Alliée aux qualités professionnelles du militaire dont les articles précédents se sont fait l’écho, cette curiosité d’esprit indispensable dans les fonctions de chef sont aussi de formidables atouts dans le milieu civil. Notre « vorace » en fin des deux années de Coët, nous avait donné ce conseil : « un quotidien par jour, un hebdomadaire par semaine, un mensuel par mois et le plus de livres que vous pouvez ». Conseil de sage, difficilement applicable que ce soit en unité ou lorsque l’on a charge de famille, mais qui à mon sens insistait judicieusement sur la nécessite de développer ses capacités de lecture pour se forger son opinion. Ce bagage intellectuel fut essentiel pour une carrière réussie, surtout pour nos promos qui n’ont guère connu les conflits et dont les concours et scolarités ont émaillé le parcours. De plus, il se révèle particulièrement intéressant dans l’autre monde. Attendu par ceux chez qui vous pénétrez, à l’issue d’une carrière militaire, c’est le premier test, celui de vos connaissances, qui va permettre d’intégrer ce nouvel univers. Néanmoins c’est sur les qualités militaires que rapidement l’on se retrouve. La faculté d’écoute n’est pas la chose la mieux partagée au monde, or l’officier la possède, il a su écouter ses chefs, ses subordonnés, ses pairs…. La capacité de décider après avoir pris l’avis de tous les spécialistes (travail spécifique d’état-major, notamment en opérations) est aussi une caractéristique peu commune dans un monde où l’individualisme est très prégnant. L’esprit de discernement entre la forme et le fond, le but à atteindre en modifiant parfois, souvent…, les habitudes. L’esprit de corps enfin où les liens sont indéfectibles et qui permet ensemble de braver ls éléments et d’aller plus loin. Toutes ces qualités sont celles acquises lors du parcours militaire, servent en situation de responsabilité.

Officier général, trente-cinq ans après la sortie de Coët, où je suis entré en tant que « bica », j’ai œuvré au sein d’un grand groupe (GDF Suez) avant de prendre ma retraite et m’investir dans la vie de mon village d’adoption dont je suis désormais le premier magistrat.

De « mon général » à « José », le chemin fut très court !! Terminant ma carrière à Saint-Germain-en-Laye en juin 2006, en tant que directeur régional du Génie (appellation en voie de disparition), j’étais recruté comme directeur commercial en charge des marchés publics chez Elyo, devenu Cofely après la fusion, filiale qui travaille sur l’efficacité énergétique et environnementale. Plus de relations de type hiérarchique mais un contact avec les jeunes, directs et sans ambages !! Mon domaine d’action couvrait tous les ministères, hors Défense que j’avais volontairement écarté pour ne pas mettre mal à l’aise mes interlocuteurs, et consistait à faire comprendre l’intérêt pour le public de recourir à l’externalisation, auprès de sociétés civiles (et surtout la nôtre), pour assurer l’entretien, la maintenance et les services. Aller à la rencontre des responsables d’entités chargées de ces missions au sein de l’université, la préfecture, la Justice, la Poste ou la SNCF, pour y convaincre les décideurs accompagnés de leurs directeurs financiers fut un réel plaisir allié à la découverte de modèles d’organisation très différents. Leur proposer de s’engager sur la voie du Facilities management ou des partenariats public-privé demandait à la fois de connaître les produits à proposer, que l’on était sûrs de pouvoir produire, et de connaître les rouages internes pour ne pas être à côté de la plaque. Quel honneur après cinq années dans ce poste de me voir proposer, tout en gardant mes fonctions, de prendre en compte la réponse du groupe Vinci-GDF Suez de la partie entretien-maintenance et services du PPP Balard. A la tête d’une équipe de collaborateurs et de partenaires ce fut l’expérience la plus enrichissante de ce passage, par les valeurs humaines partagées, l’esprit commando dans le travail et surtout par la reconnaissance du travail effectué, par nos dirigeants, malgré l’échec final de notre candidature.

Ce PPP Balard, restera dans les mémoires de ceux qui ont participé à l’aventure qui mobilisa les énergies de longs jours et de longues nuits de plus de 150 collaborateurs, architectes, ingénieurs, juristes, avocats, thermiciens, spécialistes en sécurité, en communication, assureurs, avocats, … sur un projet hors du commun par son ampleur technique et financière. C’est dans cette période que du tutoiement qui était la règle il arrivait que d’aucuns me donnent du « mon général », tout naturellement en lieu et place du « José » qui était devenu coutumier.

Reconnaissance du savoir-faire, du savoir-être que Saint-Cyr nous a inculqué, poli par les années passées dans l’institution militaire.

En 2014, je quittais cette belle entreprise pour retrouver le sud de la France et le village d’Armissan où m’attendait le maire, ancien colonel de l’ALAT en place depuis deux mandats, pour m’entraîner dans son sillage pour les élections municipales. Dès lors c’est avec une curiosité certaine que je découvrais les grandeurs et servitudes de la vie politique locale en tant que premier adjoint. Une commune de 1500 habitants avec tous les domaines couverts, pouvait faire penser à la gestion d’un régiment. La recherche de financements pour les projets, le manque de moyens d’encadrement, la bonne volonté des élus et bénévoles, le manque de connaissances sur tel ou tel sujet, changent complètement la donne. La relation aux autres sans aucune hiérarchie, sans réelle autorité, le premier magistrat n’étant que le premier des élus, coopté par ses pairs, n’agissant que dans le cadre des délégations dévolues et devant justifier de tous ses actes en conseil municipal, nécessite des qualités particulières. C’est là que l’expérience militaire acquise, tant dans la vie en garnison ou qu’en état-major, est un atout pour justifier ses choix, convaincre ses interlocuteurs, impulser les actions et répondre aux adversaires de l’opposition qui fait feu de tout bois pour s’opposer. Après trois années comme adjoint, le conseil municipal me fit l’honneur de m’élire à sa tête. J’ai pu alors mesurer la différence entre être adjoint et être maire. Aux yeux des concitoyens… La charge de travail n’est pas légère, mais avec l’objectif de faire en sorte que toutes les âmes se sentent bien, c’est un parcours dans lequel on trouve de nombreuses satisfactions. En 2017, je pris la tête de la liste, sans étiquette, pour les élections dont on sait que le déroulement (COVID oblige) ne fut pas des plus simples. La campagne électorale est une expérience éprouvante et enrichissante, notamment quand il n’y a pas d’appareil derrière soi. Recruter ses colistiers n’est pas chose aisée, ceux que vous voudriez emmener ayant d’autres objectifs, les fédérer autour des projets, les faire participer à l’élaboration du programme, etc…réaliser la campagne, aller à la rencontre des électeurs, tout cela demande temps et énergie. La victoire, las, n’a pas eu le goût souhaité pour cause de Covid…

De ce parcours que retenir ? Des trois « mondes », celui du civil politique est le plus compliqué à appréhender et le moins « carré ». Néanmoins l’ancien officier peut s’y mouvoir sans difficultés majeures…. au niveau local….

En conclusion, je suis aujourd’hui convaincu que la devise de notre chère école, « ils s’instruisent pour vaincre » est tout à fait pertinente et d’actualité. Au titre de cette culture, le choix des maximes, sentences ou proverbes, permet aussi d’évoluer sereinement dans les divers univers à condition de le vouloir vraiment.

« La où il y a une volonté il y a un chemin » nous disait le général Valentin GMP. Bien antérieurement Sénèque assurait « qu’il n’y a de vent favorable pour qui ne sait où il va ». J’ai souvent fait référence à cette citation du 1er siècle de notre ère !! pour mon plus grand bonheur !! Enfin c’est encore vers la Spéciale que se tournent mes pensées. L’un des commandants de l’Ecole fut le général Aubert Frère, dont je conseille la lecture de la biographie par le général Weygand, qui avait comme devise : « J’obéis d’amitié ». Ce me semble être le sésame, que j’ai, après la vision d’un tableau photo de nos activités, réalisé par une de mes unités, où j’avais été affublé d’une bulle portant cette phrase… quelque peu décliné différemment en : « je commande d’amitié ».

Soyons fiers de notre école et des valeurs qu’elle enseigne.    Chic à Cyr !!!    





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