Souvenons-nous avec piété et respect de ceux qui sont tombés dans la boue des Éparges, au Mort-Homme, à la cote 304,à la Ferme de Navarin ou dans les marais de Saint-Gond, sur la Somme...
Mais souvenons-nous avec lucidité, maintenant que l’Histoire a fait son œuvre.
Ce conflit est né dans les Balkans, alimenté par l’appétit insatiable de la Prusse de Sadowa à Sedan, d’Agadir au Berlin-Bagdad Bahn, sur fond de rivalités coloniales avec la France et de domination maritime avec Albion.
Nous connaissions le Plan Schlieffen, mais nous nous sommes laissés tourner en attaquant à Morhange où Foch a frisé le désastre.
Von Kluck nous a sauvé la mise en présentant son flanc droit. Et ce fut la Marne.
Mais ensuite, quatre années d’enlisement pour qu’ils ne passent pas, alors qu’ils nous avaient déjà pris 10 départements parmi les plus riches et qu’ils ont mis en coupe réglée avec déjà, des exactions et des crimes de guerre contre nos populations par certaines unités de Guillaume portant, triste présage, une « Totenkopf » sur leur chapka.
Il faut lire ou relire « Ceux de 14 » de Genevoix. La boue, la fatigue, le sang, la terreur des no man’s lands, la mort dans l’engloutissement de l’espérance.
Mais on est muet d’admiration devant ces hommes rustiques et résistants, commandés par des jeunes saint-cyriens, normaliens, instituteurs ou épiciers réservistes, comme le lieutenant de mon grand-père. Ils étaient conscients de l’enjeu malgré le terrible prix à payer (1,4 millions de morts, 4 millions de blessés, de gueules cassées, autant comme on dirait pudiquement, aujourd’hui, de syndromes post-traumatiques, sans parler des veuves et des orphelins). Conscients de l’enjeu, et ils ont fait le job, en prenant soin au maximum de leurs hommes et avec eux, tout simplement parce qu’il fallait le faire, pour interdire l’effondrement de la France et la remettre en route, en pleurant leurs morts et en pansant les blessures de tous ordres, après la Victoire.
On discutera toujours du bien-fondé ou non de l’Armistice accordé à l’Allemagne après qu’elle eut cherché à semer la discorde chez les Alliés par des paix séparées. Malgré Clemenceau et Foch, on laissa tranquillement la Reichswehr retraverser le Rhin , en stoppant la poursuite de Mangin, pour enrayer les mouvements spartakistes sous la Porte de Brandebourg.
Et les mesures lucides et clairvoyantes qui ne furent pas prises alors tandis que résonnaient dans la Galerie des Glaces les berceuses de Wilson nous revinrent en boomerang mortel vingt ans plus tard avec la remilitarisation de la Rhénanie, Munich, Guderian, Barbarossa et Auschwitz.
Et les territoires de nos campagnes et de nos villes se couvrirent de monuments...Pour ne pas oublier.
Avec le temps cependant et les bouleversements de l’Histoire, qui n’a pas de fin malgré un ouvrage célèbre, comment ne pas redouter, malgré les commémorations rituelles du 11 novembre, cette lugubre prédiction de Roland Dorgelès ( Les Croix de bois):
« On oubliera. Les voiles du deuil, comme les feuilles mortes tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement... ».
© AMSCC
GDI (2S Gend) Louis-Christian JULLIEN (promotion « Souvenir de Napoléon » 68-70)
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